Sur le livre „Monothéisme“ de Sylvain Nsapo
Brillante dissertation…si ce n´est que malgré tout l´auteur restait sur la défensive. On se demande si ce n´est pas une attitude complaisante qu´adoptent bien d´écrivains africains actuellement.
Simple dialectique de défense ou de justification ?
Je suis enfin parvenu à lire cet ouvrage, et je dois dire qu´il est brillamment écrit. Et cependant, je me suis demandé à quoi menait aujourd´hui de prouver que les occidentaux avaient tort de prétendre qu´ils avaient inventé le monothéisme. Ou à prouver que l´Afrique connaissait le monothéisme avant l´occident. Il m´aurait suffit de lire le discours de Léopold II à ses missionnaires en partance pour l´Afrique pour avoir la preuve que le monothéisme était pratiqué au Congo, et que ce vieux monarque décréta tout simplement la destruction des symboles de ce monothéisme pour le remplacer par l´absolutisme chrétien. Jules Renquin (un juriste s´il vous plait !) alors ministre des colonies reprit la même politique en ajoutant : « apprenez leur à croire, pas à raisonner ».
Les intellectuels africains de la carrure d´un Sylvain Nsapo, à force de vouloir se justifier ou de répondre aux allégations dévoyantes de leurs collègues occidentaux bornés, ne tombaient-ils pas dans le piège de celui qui doit toujours se justifier au point qu´il en oublie de s´atteler au principal qui est de libérer les africains de la domination spirituelle illégale sous laquelle les occidentaux les avaient enfermés ? A ce petit jeu de dialectique ou de phraséologie de justification par amour propre ou par simple et personnel étalement intellectuel, ne manquait-on pas à ses devoirs envers les siens qui attendaient de ses meilleurs enfants qu´ils viennent leur montrer la voie éclairée de la liberté culturelle, spirituelle auxquels ils ont droit ? Surtout quand on sait que les siens ont été des siècles durant assignés à la soumission.
Lorsqu´en 1554 Nicolas V ordonna l´esclavage des africains et la saisie de leurs biens et de leurs territoires au profit des chrétiens blancs, ce pape ne commit-il pas un crime contre la Bible et le Dieu chrétien dont il était l´autorité supérieure ? Mais oui, parce qu´il n´existe aucun Dieu qui recommande à ses croyants de perpétrer des crimes sur les autres. Et se réclamer de Dieu, de l´éminence absolue du bien, de la justice et de toute grandeur morale et éthique de l´existence humaine, et commettre cependant des abus, des crimes et des injustices en son nom…il faut être bien bas et faux pour s´y adonner. Encore pire le sont ceux qui, aujourd´hui encore, se refusaient à reconnaître leurs vils parjures et à s´en excuser.
Etait-ce possible que notre ami Sylvain Kalamba Nsapo soit passé à côté de la conclusion ; qu´il n´aie pas compris que l´absolutisme monothéiste occidental n´avait pour but que d´établir une domination économique et culturelle sur l´Afrique, sur le monde ? Etait-ce possible que ce brillant intellectuel n´aie pas compris qu´en fait de monothéisme ou d´absolutisme chrétien sur les africains, l´occident, au lieu de défendre et propager les enseignements d´un Dieu unique, certes, mais d´un Dieu tout de même, ils se substituèrent à lui pour justifier et entreprendre des méfaits qu´aucun Dieu ne tolérerait ? Toute dialectique aussi brillante soit-elle qui omettait de relever cette évidence criante n´était-elle pas une dissertation sans synthèse ?
Ou s´agissait-il seulement de vendre ses livres en occident tout en se voilant de demi vérités qui flattaient la discussion étirée et sans contenu concluant comme le voulait ou l´attendait la culture occidentale dominante des africains ? L´absence de critique objective et fondée sur l´histoire et les actes historiques, ne conduisait-elle pas à la confusion et à la disqualification intellectuelle ? Pas du côté occidental, en tout cas, parce que, eux encourageaient ces lapsus dialectiques les mettant à l´abri de leurs propres condamnations. Et la question que nous nous posons tous les jours, que nos ancêtres se posèrent des siècles durant auparavant : « De quel Dieu se réclament-ils donc, ces occidentaux, s´ils tuent, violent, privent des êtres humains nés libres et indépendants de liberté et de droits en son nom ? » ; cette question n´est ni abordée, ni résolue.
A ce propos, Simon Kimbangu qui disait que pour un noir Dieu était noir et que celui-ci était le tout du tout ; cet homme, en admettant l´absolutude de Dieu, lui rendait cependant son caractère subjectif d´approche. Ce qui est un relativisme démontrant l´évidente démocratie dans la perception déictique. Or, ce que l occident des chrétiens imposa en Afrique par esclavage et colonisation, c´est un monopole monothéiste ! Et on le comprend mieux quand on sait qu´il ne s´agissait, comme bien de gens trompeurs et faux voulaient le prétendre, nullement d´un quelconque monothéisme chrétien, mais bien de domination religieuse sous laquelle tout leur fut permis. Plus un prétexte qu´une entreprise de bonne foi. Avec cette ouverte mauvaise foi, si on acculait des gens à se justifier sur leurs cultures leurs droits ou leurs légitimes libertés, toute cette entreprise devait être considérée comme la plus vile et la plus sale entreprise idéologique qui soit. Et à mon avis, et malgré le beau verbe et l´éclatante dialectique de cet ouvrage, ce bel ouvrage n´est rien d´autre qu´une dialectique d´acculé à se justifier et à jouer un jeu qui ne menait nulle part, sinon à l´impasse occidentale bien entretenue de l´identité incomplète ou tronquée. Parce qu´il manque à cette identité la porte de sortie d´un piège qui l´empêchait d´accéder à la lumière indépendante et souveraine du jour.
Parler de théologie africaine et ne pas savoir conclure sur l´évidence, passe encore ; mais ne pas avoir vu que la douteuse domination occidentale avait pour but de détruire notre identité, notre culture, notre sens de l´histoire en la soumettant à la chosification de la race blanche…si on ne peut pas rendre justice aux siens en leur disant la vérité ; de quelle théologie est-on donc ? En quel Dieu croit-on en tant que théologue si on ferme les yeux sur les injustices, les crimes et les abus qui sont faits en son nom ? Beaucoup de questions, l´auteur peut-il nous aider à y répondre ? Faut-il croire que Sylvain Nsapo n´a pas établi la directe relation qui existe entre la domination spirituelle, économique, financière occidentale sur l´Afrique et l´appauvrissement, la chosification de ce continent aux étroits intérêts du Pouvoir Blanc ?
Le père Engelbert Mveng, un jésuite camerounais, disait, lui : « L´évangile doit contribuer à notre libération, sinon il ne nous intéresse pas. A quand les encycliques, à quand les excommunications condamnant – avec la même force qu´hier le marxisme -, l´asservissement de la dette, l´esclavage culturel, la pauvreté anthropologique de l´Afrique ? » Et encore, il demandera : « De quel évangile parle-t-on ? Celui des blancs qui tuent et qui oppriment ? Ou celui des Noirs qui sont exploités ? » Ce précieux prélat fut hélas, assassiné le 22 avril 1995. Mais son message et ses interrogations n´étaient-elles pas les nôtres depuis des siècles ?
Oui, il est possible qu´on nous assassine tous, comme Patrice Lumumba, Ruben Um Niobé, comme Malcolm X ou Martin Luther King ou encore qu´on nous jette aux oubliettes comme on l´a fait pendant 30 ans de prison pour le Grand Simon Kimbangu ; et cependant, nul n´échappera à l´évidence de la vérité : il n´existe pas de Dieu qui donne à ses croyant le droit d´assassiner les autres, de les violenter ou de les piller à loisir en son nom. Notre dialectique, même si on fait sciemment de l´ignorer, est juste. Pas étonnant : notre notion et approche de Dieu est supérieure à celle qu´on a voulu nous inculquer avec des moyens de brigands et de criminel de droit commun. Il est donc logique que nous soutenions la restauration de notre patrimoine spirituel à tort illégalement étouffé.
Peut-être avons-nous des visions différentes de nous-mêmes ; cependant que pour moi, quiconque se réclame de Dieu ou prétend agir en son nom ne peut en aucun cas entériner ou tolérer des actes criminels. Quant à un théologien noir, j´attends de lui qu´il fasse clairement la différence qui le sépare de la parole de Dieu dont ils est l´éclaireur et le serviteur, de toute tentative de substitution visant à utiliser la foi humaine pour commettre et étaler sournoisement tous ses vices et ses perversions. Parce qu´à mon sens Dieu est parfait et ne peut recommander aux être humains qu´un comportement digne de louange et de justesse.
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu
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