Que valait le pardon de Ségolène Royal à Dakar pour l´Afrique et la France ?
Beaucoup plus qu´on ne le pense. Cette femme a eu le courage de remettre
certaines choses à leurs places respectives et mettre en cause le discours
paternaliste et ancien colon occidental du pouvoir français tenu par Sarkozy.
Mais avant d´en venir aux commentaires, reprenons d´abord la substance de ce
discours applaudi dans toute l´ Afrique.
"Bien évidemment, vous avez fait l'Histoire"
"Quelqu'un est venu ici vous dire
que 'l'Homme africain n'est pas encore
entré dans l'Histoire'",
a-t-elle déclaré, devant plus de 500 personnes réunies au siège du Parti
socialiste sénégalais le 6 avril 2009. "Pardon, pardon pour ces paroles
humiliantes et qui n'auraient jamais dû être prononcées et - je vous le
dis en confidence - qui n'engagent ni la France, ni les Français",
a-t-elle ajouté.
"Bien évidemment, vous avez fait l'Histoire et vous continuez à la faire
et vous l'avez faite bien avant la colonisation, pendant, avant et depuis. Et
c'est avec vous que nous allons construire notre avenir" a
insisté Mme Royal. "Pardon pour le passé, merci pour le passé",
a-t-elle poursuivi, 161 ans après l'abolition définitive de l'esclavage
en France et 49 ans après l'indépendance du Sénégal, ex-colonie française.
"Pour le meilleur et parfois, hélas, pour le pire, nos histoires ont
été liées. Le pire, ce fut l'esclavage (...), le pire aussi ce fut la
colonisation dont une partie de la droite a essayé de nous faire croire
(...) qu'elle avait des 'aspects positifs", a
poursuivi Mme Royal.
"La France républicaine mérite que cesse ce qu'on appelle (...) la
Françafrique et
l'opacité de décisions prises dans le secret de quelques bureaux pour quelques
intérêts particuliers", a-t-elle encore déclaré. "Nous
ne pouvons, nous Français, ni soutenir les dictatures, ni abandonner les
démocrates", a insisté Mme Royal.
La présidente de la région Poitou-Charentes, qui s'était présentée comme
"une fille de l'Afrique", née il y a 55 ans à Dakar où
son père était sous-officier, s'est exprimée devant une assistance
enthousiaste, en bonne partie constituée de militants socialistes, qui
s'est levée pour l'applaudir et l'acclamer.
Le premier secrétaire du PS sénégalais, Ousmane Tanor Dieng, a jugé que
le discours de Mme Royal avait "réhabilité
la France aux yeux des Sénégalais".
Des membres du gouvernement dénoncent
Le
secrétaire d'Etat à la Coopération Alain
Joyandet a qualifié mardi les paroles de Mme Royal de
"choquantes, irresponsables et antidémocratiques. Elles sont
tournées vers le passé". "Désirs d'avenir, c'est vraiment du
passé", a-t-il ajouté, dans une allusion à l'association
"Désirs d'avenir" de Mme Royal.
La réaction de Ségolène Royal "me semble extraordinairement maladroite et
très démagogique", a déclaré, pour sa part sur RTL le ministre des Affaires
étrangères, Bernard Kouchner,
reconnaissant toutefois que la phrase de Nicolas Sarkozy "était sans doute maladroite" mais
qu'elle "ne signifiait ni racisme ni
jugement péjoratif".
Pour Rama Yade,
secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme, on peut "douter de la sincérité de Mme Royal" qui exploite, selon elle,
les malentendus nés du discours de Nicolas Sarkozy. "Ces malentendus-là sont aujourd'hui instrumentalisés par Ségolène Royal
dans un jeu politicien qui n'est pas très honorable", a-t-elle déclaré
sur France 2.
"Mme Royal, comme par son habitude,
a un objectif, celui d'exister, elle a une recette, la polémique
permanente, la démagogie systématique et surtout un antisarkozysme
primaire qui ne fait pas une politique (...) et on arrive à de l'antisarkozysme
souvent hystérique", a déclaré sur LCI la secrétaire d'Etat à la
Famille Nadine Morano.
Voulant retenir "l'ensemble du discours" du président de la
République, la secrétaire d'Etat a jugé qu'il avait "eu à la fois un langage de vérité et un discours de
responsabilité vis-à-vis de l'Afrique".
Selon Frédéric Lefebvre,
porte-parole de l'UMP, Ségolène Royal "fait
un contresens historique en Afrique, tout simplement pour faire diversion"
et profère "des attaques infantiles" contre Nicolas
Sarkozy. "De Chine à Dakar, en
passant par Washington, Mme Royal ridiculise notre pays, par son attitude et
ses sorties iconoclastes", déclare-t-il dans un communiqué.
Des membres du PS approuvent
Martine Aubry, première secrétaire du PS, s'est dite mardi
"heureuse" des propos de Ségolène Royal tout en faisant valoir
qu'elle-même avait "tenu des propos semblables en 2007".
Ségolène Royal "a eu raison de tenir un discours qui recrée un lien
pas seulement affectif mais humaniste entre l'Afrique et l'Europe, entre
l'Afrique et la France", a-t-elle poursuivi, estimant que
"l'insuffisance et l'ignorance n'ont pas de place dans nos
rapports".
Benoît Hamon,
porte-parole du Parti socialiste, a jugé que la présidente de la région
Poitou-Charentes était dans son bon droit en demandant pardon au nom de la
France en tant que "citoyenne française" et "dirigeante
politique". "Elle a raison de le faire et je ne vois pas
pourquoi on va lui chercher querelle là-dessus", a-t-il dit sur i-Télé,
estimant que le discours de Nicolas Sarkozy avait été "injurieux
pour l'histoire des Sénégalais et des populations d'Afrique noire".
"Quand Nicolas Sarkozy a dit que
l'Afrique n'était pas suffisamment entrée dans l'Histoire, il a prononcé
un discours qui était ethniciste et insupportable et Ségolène Royal a
raison de le dire", a déclaré le député du Doubs Pierre Moscovici sur Canal +.
"Est-ce que notre ancienne candidate
à la présidentielle, qui a représenté 47% des Français, qui connaît bien
le continent africain avait le droit d'aller apporter des paroles de
pacification et une autre vision de nos rapport et de l'Histoire, moi je
le crois profondément, c'est sa responsabilité", a pour sa part
déclaré sur RMC et BFM-TV l'eurodéputé Vincent
Peillon, proche de Mme Royal. "Dès qu'elle s'exprime elle est
entendue, finalement qu'il y ait encore des gens de gauche qui puissent
être entendus, je m'en félicite", a-t-il ajouté.
Une partie de la presse sénégalaise réagit
Le
quotidien Le Matin
estime que "le bouillant Sarkozy avait 'insulté' tous les Africains à
Dakar. Ségolène Royal, en visite sur les lieux du crime, a lavé l'affront
en nous demandant pardon". "Merci
chère 'compatriote' même si l'on sait que Sarko mérite difficilement notre
pardon", ajoute le journal, à l'adresse de Mme Royal.
Pour le journal Walfadjiri,
"Ségolène Royal a taclé hier le
président français Nicolas Sarkozy", tandis que le journal Le Populaire évoque "Une baffe... Royal à Sarko", en
reprenant de longs passages de son discours. Et l'agence de
presse sénégalaise (publique) fait sa Une avec le discours de Mme
Royal sur son site internet.
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