La vérité sur le Rwanda de Kagame
L´occident, l´Afrique et le monde savent-ils, lorsqu´ils se trouvent en
face de la politique de Kagame à qui ils ont affaire ? Ou serait-on
entrain de tolérer un nouveau cancer africain pour en cacher un autre qu´on n´a
pas pu soigner dans le passé ? Le professeur Yash Pal Ghai nous dit ce qu´il pense du Rwanda de Kagame.
Prof.
Yash Pal Ghai: Ce qu'on ne vous dit pas sur le Rwanda (05.10.09)
Le Rwanda jouit d'une bonne réputation au niveau international et son
président Paul Kagame est régulièrement saluée par la Banque mondiale, les
États-Unis et les administrations du Royaume-Uni pour son intégrité, les
efforts de réconciliation et les politiques économiques. J'ai été fort
impressionné par ses conseils aux Kenyans, lors du National Prayer Breakfast en Mai dernier, de suivre l'exemple de
l’engagement de son gouvernement envers la diversité ethnique, la mise en place
d’un consensus de bien commun, des valeurs nationales, et l'inclusion de toutes
les opinions politiques dans la vie nationale et le développement.
Lorsque j'ai visité le Rwanda à la demande de la Commonwealth Human Rights Initiative pour faire un
rapport sur l'état des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda (en
relation avec la demande du Rwanda de rejoindre le Commonwealth) mes premières
impressions, en dépit de certains rapports critiques que j'avais lu, étaient
favorables: Le traitement très efficace et courtois envers les passagers à
l'arrivée, une ville (de Kigali) sûre, propre et bien organisée ainsi que des
fonctionnaires brillantes et suaves.
Cependant, j'ai rapidement commencé à me méfier lorsque chaque personne (en
dehors des fonctionnaires) que j'ai interviewées, diplomates, journalistes,
professionnels, collectivités locales et de responsables internationaux de la
société civile, refusait de me parler, sauf sous conditions d’anonymat.
Quand j'ai lu la constitution, je n'ai trouvé aucune mention de groupes
ethniques ou religieux, et suis même tombé sur une législation interdisant les
discussions sur l'ethnicité (pourtant d’énormes affiches gouvernementales
rappellent aux gens le génocide "contre les Tutsis", alors que
beaucoup de Hutus ont également été massacrés). Ceux qui disent, même
implicitement, que Kagame et son Front patriotique Rwandais (FPR) ont tués les
Hutus inutilement sont lourdement pénalisés, tout comme le sont ceux qui osent
remettre en question la version officielle du génocide. Tout cela « colle »
difficilement avec le plaidoyer de Kagame pour la réconciliation, l'inclusion
ou la confrontation avec le passé.
Les Exilés Hutus
Suite à la lecture de nombreux rapports du Conseil de sécurité des Nations
unies, du HCR ou des ONG internationales, des mémoires de certains hommes
politiques rwandais clés et du commandant des forces de l'ONU Roméo Dallaire,
ainsi que de la littérature érudite, j'ai appris que, même si bien sûr les
Tutsi, avait beaucoup souffert de la main des Hutus, le FPR a également tué des
milliers de Hutus, et conduit certains à l'exil (et puis les a poursuivis dans
leur pays d'exil). Les nouveaux arrivants Tutsis se sont appropriés les terres
appartenant à des Hutus. Et lorsqu’il l’a estimé utile et nécessaire, le FPR a
permis le massacre des Tutsis. Dallaire écrit que « tout ces morts peuvent également être imputés à Kagame, le génie
militaire qui n'a pas accéléré sa campagne (militaire) lorsque l'ampleur du
génocide devenait évidente et qui a même ouvertement parlé avec moi, à
plusieurs reprises, du prix que ses compatriotes tutsis pourraient avoir à
payer pour la cause ». C’est ce même Kagame qui a refusé la proposition de
cessez-le-feu du général Dallaire pour faire cesser le massacre, parce qu'elle
ne convenait pas au grand projet hégémoniste tutsi de Kagame. Le président
rwandais a aussi été cité comme critiquant les gens qui voient la guerre en
termes de droits de l'homme. Il a dit que certains conflits sont bons, « une sorte de purification» qui «éclate
afin de permettre une véritable transformation (de la société)".
Le régime de Kagamé est basé sur des structures de pouvoir qui fonctionnent
parfois en parallèle, et qui court-circuitent parfois, le gouvernement formel,
et dans lequel l'armée joue un rôle central. Les recettes de l’état rwandais
(qui financent non seulement les institutions publiques mais aussi les élites)
dépendent énormément du pillage des ressources minérales de la République
Démocratique du Congo.
Mode d'extraction
Le régime de Kagame est le principal responsable de l’instabilité politique
et économique dans la région des grands lacs (y compris le renversement du
gouvernement congolais), qui leur est bien utile à son mode d’extraction des
richesses du Congo ainsi qu’au maintien de sa suprématie régionale.
Le régime de Kagamé a mis en place, un réseau régional complexe de transactions
économiques illégales, de fraude aux sanctions de l'ONU, d'armement de milices
et d’entreprises financières criminelles qui a considérablement appauvri la
région. Tout cela sans compter le mépris et les violations continuelles de
l’intégrité territoriale des pays voisins et ainsi que de leurs systèmes
fiscaux.
Le FPR a fait usage d’une violence extrême, tant au niveau national
qu’international. Il a massacré plusieurs centaines de milliers de Hutus, de
citoyens et autres, et est responsable de la mort de plus encore à travers le
déplacement, la malnutrition et la faim. Il a refusé à des centaines de
milliers d'enfants l'opportunité de l'éducation, et privé à plusieurs millions
de personne d’une vie familiale et communautaire. Le FPR a enrôlé des enfants
soldats. L'ONU a documenté abondamment ces pratiques et a, à plusieurs
reprises, critiqué le Rwanda pour son comportement irresponsable en RDC.
Derrière la gentillesse des dirigeants du FPR, la propreté de Kigali, et la
lueur de ses buildings à l’américaine, j'ai trouvé un pays profondément
fragmentée, opérant sous l'hégémonie d'une petite élite politique tutsi, qui
dirige par l'oppression et la peur.
Un régime de communicants
J'ai découvert que ces dirigeants sont extraordinairement efficaces en relations
publiques, en particulier vis-à-vis de l'Occident, pour tirer le maximum du
sentiment de culpabilité de l'Occident pour n’avoir rien fait pour empêcher le
terrible génocide de 1994, visant en grande partie mais pas exclusivement les
Tutsis.
Traduit de l’anglais par Arthur Ngenzi / Save Rwanda
Source : The Standard of Kenya
Forum Réalisance