L´appel des consciences
Lettre ouverte à l´intellectuel noir
L´intellectuel, ce n´est pas comme les gens l´imaginent par trop souvent un esprit croulant sous ses diplômes, parlant plusieurs langues étrangères et ayant la langue facile à tout propos. Ce n´est pas cela, l´intellectuel ; ce beau monsieur, c´est tout au plus un collectionneur de titres académiques. A quels buts, le sait-on jamais ? Et s´il croit savoir tout à propos de tout, c´est un complexe de croire savoir tout, ou devoir étaler sa connaissance pour quelque raison que ce soit. Ceux qui s´adonnent à ce comportement, ce sont plutôt des rats de salons où ils peuvent faire le beau ou épater ceux qui n´aiment pas précisément se mettre en lumière. Mais ce n´est pas non plus un analphabète ; il est plutôt instruit et érudit, surtout sur le questionnement existentiel ou de celui de la liberté.
L´intellectuel, c´est une race d´homme à part, c´est vrai ; mais c´en est une qui
s´identifie avec le corps de la Nation en tant qu´entité sociohistorique pour laquelle il est l´instrument de réalisation de sa volonté la plus réalisante. Il chérit son histoire, parce que dans le fin tissu des actes et des faits passé, il y a des vérités, des vœux, des désirs cachés qui caractérisent le peuple dont il pressent le cœur et l´âme battre dans sa poitrine. Mais au dessus de tout, il cherche à démêler, à découvrir les meilleurs moyens d´épanouir et de cultiver sur le corps de la société dont il est la voix et l´esprit le plus éveillé une passion qui permette à la liberté des siens de semer et de moissonner les fleurs les plus belles de leur existence ; parce que ce n´est que sur ce rare jardin que se réalise les vœux les plus beaux, ceux qui flattent l´âme tourmenté d´un chacun des sien et le console le plus chèrement de sa vie éphémère. Sa morale et son éthique sont de grande noblesse et ses ambitions elles-mêmes de saine modestie. Patrice Lumumba était, par exemple un de ceux-là, ainsi que Thomas Sankara, Kwame Nkrumah, Malcolm X, Marcus Mosiah Garvey, Walter Rodney, Cheikh Anta Diop, Bwemba Bong…la liste est longue et prestigieuse, et tous les noms qu´elle porte sont beaux et méritent notre profonde admiration.
Presque tous furent assassinés, nous le savons, par l´occident pour nous priver de clarté et de la vision que nous gagnerions par leur lucidité dans la lutte pour notre indépendance, et sur le chemin de reconquête de notre souveraine et pleine liberté qui depuis 600 ans, pour ne prendre que la date de 1441 par laquelle Diego Cao atteignit les rives du Congo, souffrait abominablement de souverain épanouissement.
Il est temps de remettre le moteur de l´Esprit en marche, de sortir de la nuit de l´aliénation et de la soumission et de rendre hommage à ceux qui nous ont précédé, et à ceux qui attendent de nous que nous mettions enfin fin à leurs déboires. Notre démarche n´est pas du tout aisée, notre sort non plus ; les temps ont changé, et le paysage aussi, mais ce qui est certain, c´est que les peuples dont par nature nous avons à veiller l´histoire et à conseiller les pas, eux, n´ont pas changé. Leur soif de liberté et de réalisation est toujours aussi brûlante, leurs erreurs et leurs faiblesses aussi. Ce sont les nôtres, incontestablement ; et c´est non sans joie et amour que nous nous reconnaissons d´eux. Il est grand temps que nous nous retrouvions à nos devoirs : ceux de guérir leurs larmes, et ceux de les aider à retrouver dans ce monde moderne et exigeant, la voie qui leur ouvrira de meilleures perspectives de réalisation. Ne nous faisons aucune illusion, notre chemin est ardu mais notre cœur est grand et averti à la tâche qui s´ouvre à nous. Seul et divisé, nous sommes vulnérables et inefficace, mais ensemble, nous seront de force à répandre autour de nous le courant dont nous avons besoin pour changer les choses. Et s´il vous plait, cessons donc de crier à l´unité lorsque nous ne nous sommes pas encore entendu sur le contenu de cette unité, de ses principes et de ses devoirs. Cessons ces actes isolés et plutôt amateurs et défaillants qu´efficaces. Nous sommes aux prises avec un des existentialismes le plus cruel et le plus déterminé de la terre ; agir sans concertation et sans organisation ; c´est, comme nous le subissons aujourd´hui, et pour être franc, depuis 600 ans, s´offrir à l´échec. Je vous invite donc à sortir du silence et à joindre ceux qui n´ont jamais cessé de croire à notre liberté. Ensemble nous sommes forts.
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu