Les méandres de l´amour Chiraquien envers l´Afrique
Cette passion qui ne vécut que du mépris et de la vile chosification
Sarah
Si vous la rencontrez, bizarrement parée, traînant dans le ruisseau un talon déchaussé, et la tête et l'oeil bas, comme un pigeon blessé, monsieur ; ne crachez pas de juron ni d'ordure, au visage fardé de cette pauvre impure, que déesse famine a par un soir d'hiver contrainte à relever ses jupons en plein air. Cette bohème là c'est mon bien, ma richesse, ma perle, mon bijou, ma reine, ma duchesse...
La femme qui est dans mon lit
N'a plus vingt ans depuis longtemps.
Les yeux cernés
Par les années,
Par les amours
Au jour le jour,
La bouche usée
Par les baisers,
Trop souvent mais
Trop mal donnés,
Le teint blafard
Malgré le fard,
Plus pâle qu'une
Tache de lune.
La femme qui est dans mon lit
N'a plus vingt ans depuis longtemps.
Les seins trop lourds
De trop d'amours
Ne portent pas
Le nom d'appâts,
Le corps lassé
Trop caressé,
Trop souvent mais
Trop mal aimé.
Le dos voûté
Semble porter
Les souvenirs
Qu'elle a dû fuir.
La femme qui est dans mon lit
N'a plus vingt ans depuis longtemps.
Ne riez pas.
N'y touchez pas.
Gardez vos larmes
Et vos sarcasmes.
Lorsque la nuit
Nous réunit,
Son corps, ses mains
S'offrent aux miens
Et c'est son cœur
Couvert de pleurs
Et de blessures
Qui me rassure.
Georges Moustaki
Un discours passionné, qui, chez tout enfant innocent, aurait agrandi et fait briller ses pupilles de joie reconnaissante. Ah, l´amour…ce beau et noble sentiment, qu´il était grand et délicieux à avouer ! Qu´il était réchauffant dans nos cœurs d´entendre sa complainte attendrie flatter les attentes avides de notre âme secrète et profonde ! Tout cet aveu nous aurait bouleversé, chaviré la contenance si…eh oui, si notre subconscient ensanglanté ne nous projetait pas, à chaque souffle de notre vie, des images, des faits, des intentions qui, depuis des siècles, ne cessaient de nous détruire avec des méthodes, un mépris qui frisait un dégoût ou un barbarisme insupportable. Et puis, tout à coup, cette déclaration d´amour qui sonnait comme l´aveu d´un homme à une femme violée, battue, contrainte á servir et à se renier elle-même durant toute l´étreinte des temps…et à laquelle le phallocrate avouait, les larmes aux yeux : « Je n´ai jamais cessé de t´aimer ! ». On tombe des nues, cela va de soi. Et la femme, devenue mère depuis longtemps de rejetons affamés, hagards et privés d´avenir, de liberté et de reconnaissance existentielle réelle, se demandait si elle devait pleurer de joie ou d´amertume.
La France voudrait-elle nous apprendre à aimer le violentement de nos âmes, les blessures morales, physiques béantes ; et plus douloureux encore : ce mépris chosifiant et injurieux qu´elle nous avait injustement appliqué ? L´amour pour cacher les tortures de la francafrique, l´interdit ou l´exclusion systématique à la reconnaissance sociohistorique ? Ou était-ce encore, comme hier, l´usage du bâton et de la carotte, pour mieux tromper et désorienter son nègre en le laissant tourner, comme une bourrique, au carrousel de l´illogisme déroutant ? Amour, amour…mais c´est amour on en meurt ! Gratuitement. Entredéchiré par une violence et une amertume intérieure qui, sous la sourde révolte de la négation, avait fait germer dans des générations moutonnantes et désemparées, un sentiment impuissant, sans nom. Parce que son horreur et ses meurtrissures saignantes, à chaque pas, à chaque voeu ou prière d´attente légitime de bonté et de réalisation, se sont, en vagues déchaînées, abattus sur le naufragé désemparé. Personne n´avait vu nos larmes, personne n´avait entendu nos cris et ceux de nos femmes et de nos enfants ? Amour ? De l´esclavage à la francafrique, quelle noble épopée !
Nous avons cessé de pleurer car nos larmes ont tari, monsieur Jacques Chirac ; à vous il est facile de parler d´amour envers nous, comme au rendez-vous mitigé des sentiments sans lendemain. De ceux qu´on confesse ouvertement pour cacher ses erreurs ou sa fausseté, et se faire passer pour le bon père de famille ou l´amant épris égaré par sa gaucherie. Amour, amour …dans nos cœurs et nos âmes mises à sang par la déception de vagues incessantes d´étreintes sournoises, rapaces, humiliantes ; nous avons caché notre meilleur refrain de ce noble sentiment. A l´abri du mensonge et de l´incurable cupidité humaine. Et notre histoire n´en devient que plus distante et plus réservée. Surtout face à des déclarations qui suivaient le feu, et faisaient plus de fumée qu´elles ne cuisaient notre pain. Eh, oui, nous avons cessé de croire. L´amour est un trop beau et trop précieux sentiment pour qu´on le jette aux ordures de la méchanceté. Nous avons appris à le cacher sous notre peau noire, pour ne pas avoir à essuyer ses larmes, à supporter ses incessants sanglots.
Aussi, cher monsieur le président, ne soyez pas surpris si nous ne sautons pas de joie ou ne nous prêtons plus naïvement à ce genre de brûlantes déclarations d´amour; nous en entendrons sûrement d´autres de vos successeurs. Et gageons que ni nos douleurs ni nos prédateurs n´auront diminué en nombre et en méchanceté. Mais si c´était le mot pour signer votre prochain départ de la scène du pouvoir, allez en paix. Que votre conscience humaine soit votre seul juge, nous, notre combat nous attend, et il fait rage à tous les fronts.
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu