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2 mai 2008

Les pays africains doivent-ils continuer à payer la dette extérieure ?

Face à l´accroissement du piège de l´endettement dans lequel sombraient chaque jour un peu plus profondément les économies africaines, face aux effets néfastes et étouffant du commerce occidental de leurs excédents commerciaux, et face à une écologie mondiale se dégradant tous les jours pour les pays pauvres ; ceux-ci se demandent comment sortir de leur douloureuse impasse.

Payer ses dettes plusieurs fois et mourir sagement en silence ?

« Le vrai rêve, celui qui distingue l´homme d´action, motive et sous-entend l´effort vers les desseins élevés, ceux qui libèrent l´esprit et donc le corps des souffrances inhérentes à la vie en ouvrant des horizons moins douloureux ; il est ce détachement des contraintes du moment qui porte vers le souhaitable, même s´il est certain que ce souhaitable ne sera pas atteint. Le vrai rêve se confond avec l´ambition, le projet ; il fait construire, alors que les rêveries font jouir en imagination des fruits d´un travail qu´on n´a pas accompli. » 

                                                                       Joseph Tchundjang Pouémi.

                                               Monnaie, Servitude et Liberté (Edition Menaibuc, Yaoundé) 

Un fait est certain : la dette extérieure africaine va croissante plutôt qu´elle ne diminue. Et c´est à raison qu´on se demande si cette aide n´était pas un piège savamment ouvert sous les économies africaines pour, en les aliénant à un système utilitariste et chosifiant, les empêcher d´accéder à l´indépendance économique et donc de se développer librement.

Les dettes, comme on le sait, doivent être payées lorsqu´on les a faites, sinon, ceux qui avaient épargnés pour permettre ces fameux endettements ne seraient ni encouragés dans leurs efforts, ni reconnus comme un facteur économique et monétaire important de tout système économique digne de ce nom. Par ailleurs, pour ce qui est des dettes extérieures, l´équilibre économique mondial basé sur la confiance et la fiabilité serait mis à mal.

Mais voilà : autre chose est un endettement normal, autre chose est tout endettement ayant d´une part le but de dicter des conditions d´aides détruisant sciemment la stabilité économique, les finances et la future prospérité du client emprunteur. Et c´est manifestement le cas lorsque l´endettement impose, sous l´aval douteux du FMI et de la Banque Mondiale, le « baissé de culotte » des barrières douanières des pays emprunteurs afin de les inonder d´excédents subventionnés des pays industrialisés vendus à des prix de dumping. Et pendant que le pays emprunteur serait occupé, avec l´aide ou ses nouveaux crédits à créer les infrastructures permettant à son peuple d´aller de l´avant, dans l´arrière pays, cependant, son agriculture, son élevage étaient systématiquement détruits par l´envahissement des produis importés excédentaires occidentaux vendus à des prix défrayant toute concurrence. C´est le cas du riz américain en Egypte, celui du lait en Jamaïque, au Ghana, au Sénégal ; c´est aussi celui du sucre, du poisson surgelé remplaçant le poisson frais des côtes ouest africaines, par exemple, vidées hâtivement par de véritables forteresses de pêche industrielle battant pavillon portugais et espagnol.

Les excédents de viandes bovines de toute l´Union Européenne, elles, mettaient à mal l´élevage du Cameroun, du Ghana, du Sénégal, du Burkina Faso… par exemple en y déversant, sous un subventionnement européen de 32 cents/kilo, le kilo de viande à 1 €, alors que le prix local était de 2,50€. Et si Horst Seehofer, ministre allemand de l´agriculture et de l´alimentation promettait aux paysans qu´il ferait l´impossible afin que ces subventions augmentent, les joies à l´exportations de viandes vers l´Afrique ne devaient que s´en trouver encouragées. Au grand détriment des africains.

Ce petit jeu mesquin et foncièrement criminel pour nos économies et notre développement, s´il n´est pas toujours compris rapidement par ceux des africains qui aimaient à endetter les leurs sans y regarder par deux fois, mettaient le FMI et la Banque Mondiale qui imposaient et surveillaient, pour leurs clients ces conditions, dans une lueur de complicité de la plus basse sournoiserie. On assassinait en effet les forces économiques vives de l´emprunteur derrière son dos dans son propre plat pays, tout en empêchant ce même malheureux à vendre ses produits agricoles librement en occident ! A se demander : que veut-il, ce banquier ; veut-il noyer son client en l´appauvrissant sciemment, ou respecte-t-il et, dans l´intérêt de rentrer dans ses capitaux empruntés ainsi que des intérêts échus, souhaite et encourage les bonnes affaires de son client emprunteur.

Personne n´est aveugle au point qu´il n´a pas remarqué combien convoités sont les matières premières dont regorge l´Afrique. Dans l´assujettissement de notre continent, dans la corruption de nos élites, le sabordage de nos institutions et le financement des révoltes et rébellions militaires, il y a, ne nous en cachons pas, le désir de vivre à nos dépends : épuiser notre or, s´approprier nos diamants, s´emparer de nos matières premières qui changeraient ainsi de main. Car demain, ceux qui les auraient acheté aujourd´hui pourraient les réemployer avec le recyclage. Et nous ? Serons-nous capables de les racheter lorsqu´ils coûteraient dix ou cent fois plus cher qu´aujourd´hui comme le fait lentement le pétrole ? Ou encore, cette détérioration écologique mondiale qui grandissait à nos portes sans que nous ayons été ni les responsables, ni les bénéficiaires ; n´est-il pas vrai qu´elle menaçait les pays pauvres et sous développés plus que les autres, ceux qui avaient les moyens économiques et financiers de se protéger ou de réparer les dégâts ? Alors, devons-nous nous laisser appauvrir ou devons-nous nous en garder ? Le choix est clair, n´est-ce pas.  

Ceux qui ont lu Bwemba Bong et Tibor Mende (De l´aide à la recolonisation) savent que ces emprunts n´étaient pas des emprunts normaux, parce qu´on ne connaît pas de banquier qui prenne une joie toute sournoise à mettre les bâtons dans les roues à son client pour l´appauvrir et le subordonner. L´aide, comme l´emprunt, comme le commerce abusif d´excédents plusieurs fois subventionnés qu´on déversait au prix du pain en Afrique ; tout cela avait systématique : plutôt détruire et asservir qu´aider ou prêter. Et celui qui s´abaissait à ce comportement autodestructeur de ses propres intérêts, de l´intérêt usuel et reconnu par les sociétés et les institutions humaines, celui-là ne devrait pas s´étonner si l´emprunteur lésé et préjudicié se refusait à jour à rembourser la dette. Parce qu´apparemment il ne s´agissait pas de dette, mais de mise discrète et méprisante à mort. Pour comprendre vraiment dans quel monde nous vivons, il faut se rappeler la récente (ou actuelle) crise des crédits hypothécaires américains. A court de tantième et devant la décroissance visible des investissements aux Etats-Unis, quelques banquiers américains véreux prêtèrent aux pauvres (Quelle grandeur d´âme, n´est-ce pas !) puis ils revendirent aussitôt ces hypothèques faisandées à leurs confrères occidentaux. Lorsque le taux d´escompte augmenta, tout vint à jour pour ces clients « à faible solvabilité ». Les banquiers américains, cependant, s´étaient déjà débarrassés de leur cargaison dangereuse ; seuls ruminaient leurs amis occidentaux sous les pertes. Peer Steinbrück (SPD), ministre des finances allemands invité à Washington à la conférence des banquiers et ministres des finances du G 7 s´indigna : « Comment diable est-on parvenu à s´abaisser à ce pervers masochisme ? »  Oui, comment ceux qui prétendaient être capitalistes, et c´est dire on ne prête qu´aux riches ; comment de tels gens exigeaient-ils de faire porter la facture de pertes spéculatives à l´étranger aux contribuables de leurs pays respectifs ? Mais oui, vous l´avez bien compris : celui qui paiera les frais, même si le gouvernement de la Grande Bretagne déboursait 60 milliards € pour aider ses propres banquiers ; ce sont les innocents contribuables du banquier trompé qui paieront les frais. Pas les américains. Et cette histoire, si ce n´est pas de l´escroquerie bancaire, c´est une façon comme une autre de se faire financer ses gaffes et ses bêtises par des étrangers innocents. Méfiance, le banquier a toujours bonne mémoire, un jour les américains recevront en retour leur monnaie de change.        

Ce qu´on peut reprocher à toutes les élites du pouvoir actuel en Afrique qui, pour assurer leurs niveaux de vie pro-occidental en milieu africain sous développé, se faire corrompre à loisir ou se donner des allures et des apparences de riches parvenus ayant un accès facile au confort occidental ; c´est de manquer à leurs devoirs politiques en fermant les yeux sur le meurtre économique et commercial systématique et organisé qui décimait les leurs dans la campagne. On a beau fermer les yeux, parler ou d´afficher une fausse modération irresponsable, les problèmes de la pauvreté et du sous développement des africains, eux, au lieu d´être résolus, s´envenimaient de jour en jour, de décennies en décennies. Faut-il vraiment croire que les actuels représentants des peuples africains étaient tous aveugles ou idiots ? Faut-il vraiment croire que toute fierté et exercice de la légitimité du pouvoir en Afrique s´arrêtait à rouler en voitures étrangères, à se laisser corrompre, à assister au pillage et à l´appauvrissement des siens sans lever le petit doigt…afin de mériter le respect ou l´admiration de l´occident ? De ceux qui, en 600 ans de domination et de douloureuse subordination nous offrirent, pendant que nous leur tendions la main, que 450 ans d´esclavage injurieux et criminels suivis de 100 ans d´une colonisation destructive de nos cultures et de nos identités avant de nous enfermer, lorsque nous réclamâmes notre indépendance, dans une francafrique chosifiante, ruineuse et méprisante… ! Même si, dans l´intérêt d´une culture moderne de meilleure conciliation et humanité nous acceptions de laisser le passé au passé ; devons-nous fermer les yeux devant de tels agissements se renouvelant contre nous ?     

Ahmed Sékou Touré disait jadis à son ministre des finances qui l´enjoignait à la retenue des dépenses des deniers publics : « Où a-t-on vu un pays en prison parce qu´il est perclus de dettes ? » Il faut dire que ce genre d´absurdité est de la plus grande gratuité, car si cet Ahmed Sékou Touré avait mieux connu Le FMI et la Banque Mondiale, il aurait versé des larmes de sang. Car la prison de ces deux institutions était pire pour un peuple que tous les goulags connus jusqu´aujourd´hui. Ce qui faisait son cynisme autant que sa basse sournoiserie, c´est qu´avec de pompeuses et fausses formules de bienséance et de politesse, on en étranglait pas moins son nègre avec une joie primitive. Ceux ou celui qui ne savaient pas se défendre étaient broyés sous l´haleine gloutonne d´un moloch économique rapace, avare et sans le moindre remord. Et depuis que cette culture occidentale se sait acculée par son vieillissement, par la concurrence chinoise et indienne, par les criantes contradictions de son système économique partial  au sein de ses propres terrains sociaux ; elle devient de jour en jour encore plus sourde et inflexible face aux cris et aux légitimes revendications des faibles de la périphérie. Et plutôt que de restaurer son système et de l´actualiser à une plus grande ouverture démocratique, on se cantonnait plutôt dans un jusqu´auboutisme patient et faussement satisfait. Pourquoi croyait-on donc que même Obama faisait sa campagne électorale sous le signe du changement ? Parce qu´il était temps de voir les choses autrement, pas toujours sous l´angle des forts, des nantis et des riches ; mais bien d´un sens humaniste supérieur du devenir humain rendant justice à tous et à chacun. Sans cela, parler de liberté, de démocratie n´est rien d´autre que de vouloir aveugler ou abrutir son monde au grand jour. Or chaque vie, chaque peuple, chaque peuple vivant sur cette terre a droit à se réaliser !

Et en Afrique, comme partout dans le monde, il s´agit de se réaliser librement et pleinement. Pas en ce que certains croient qu´ils vont faire le progrès, la liberté ou la démocratie pour les autres ; mais bien que chacun avait le droit et le devoir d´apporter sa meilleure pierre à la construction d´un édifice à la fois individuel, collectif et parfois les deux à la fois. Sans cependant oublier que ce dont de l´apport individuel ou collectif, dans sa valeur relative ou absolue, pouvait tout aussi bien rester individuel ou simplement collectif. Croire donc que le développement ne serait fait que par une minorité en cravate et cols blancs dont les autres devaient avaler toutes les erreurs et les incongruités…Le développement est plutôt l´épanouissement du plus grand nombre de talents et de responsabilités d´une société. Afin que celle-ci puisse remplir au mieux et adéquatement les exigences sévères et ambitieuses d´une vie moderne, organisée, pluridisciplinaire et hautement généreuse autant dans sa solidarité que dans les devoirs qu´elle doit ou réclame de se membres. Mais avant d´en arriver là, il faut dire que l´éboueur, l´infirmier, le médecin, le chauffeur de bus, le conducteur de train…tous ces gens, ainsi que les paysans et les cultivateurs, ont une part considérable à la teneur et au contenu de notre liberté. Endetter ces gens au point qu´ils ne sachent ni s´épanouir, ni accumuler pour mieux entreprendre l´avenir ou créer l´emploi pour leurs ingénieurs et universitaires qui, dépités et amers quittaient le pays pour l´étranger ; acculer l´emprunteur bienveillant à cette impasse sans issue, c´est de la part de celui qui se prête au jeu de l´endettement criminel, une irresponsabilité de la plus affreuse conséquence.

Senghor, Ah, Senghor…il demandait, ce poète africain inégalable : « Qui logera nos rêves aux paupières des étoiles ? ». Sûrement pas ceux qui ne connaissaient pas le profond tourment de nos rêves, ou la pauvreté chronique et le manque. Et quand, pour éclairer la vérité, nous refaisons le chemin retour de tous les sentiers qui ont jalonné l´histoire de l´homme noir, celle de l´Afrique les derniers 13 siècles de son histoire…c´est à peine si, sur les pierres déchirantes sur lesquelles nous trébuchons, sur celles qui nous servirent hier d´appui, d´instrument ou de refuge au fil des temps, les traces encore fraîches du sang, des larmes et de la souffrance de nos femmes et de nos enfants n´y ont ciselé leur désarroi accusateur. Notre âme, notre identité, nos appréhensions et notre méfiance s´en sont imprégnés au point parfois que l´angoisse qui nous étreint la gorge, vient rejaillir sur nos lèvres en révoltes sourdes et écumeuses. La liberté, ce mot à la fois magique, déictique, plein d´espoir et de promesses ; ce nectar de la célébration de la vie a pris pour nous un goût exceptionnel et profond la délicatesse et la valeur augmentaient chaque jour. C´est pourquoi nous redemandons à tous les nôtres, encore une fois, de cesser d´entacher ou de nous priver de notre soleil et de celui de nos enfants en nous endettant chez des gens qui, vraisemblablement, méprisent le sourire et la beauté de notre espoir. Et celui-ci, du haut de nos rêves les plus tendres, passe par le charme et la joie de nos femmes et de nos enfants libres, créatifs, empressés. Pas endettés ou enchaînés à des obligations qui les repoussaient de décennies en décennies dans la pauvreté, la misère et la dépendance la plus vile. Car nous le savons : nous avons mieux à offrir au monde que les mains tendues du mendiant chronique, ou les sursauts désespérés de l´affamé délirant prêt à vendre son âme pour un bol de riz.

Musengeshi Katata

„Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu“

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