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30 novembre 2008

Doha ou le bal masqué des voeux inavouables

La conférence de Doha a de nouveau ouvert ses portes de samedi 29 novembre 2008 pour quatre jours. Que peut-on attendre d´elle au moment où l´occident gangrené par une crise économique pesante s´attend à supporter le choc dévastateur d´une crise financière exceptionnelle dans son histoire depuis 1929 ? Le continent africain le plus concerné par l´aide économique au développement devait-il toujours compter sur l´aide dans ces difficiles conditions économiques mondiales ; que faisait-il lui-même pour se sortir du sous développement ?

 

Au bal des fausses illusions, seul compte la liberté qu´on crée avec ses propres pas de danse économique.

 

« On ne peut pas continuellement attendre des autres qu´ils nous aident et soient sincères à notre endroit quand nous-mêmes nous ne nous donnons pas la peine d´être généreux et vertueux envers notre propre avenir. »  MK

Oui, que pouvait-on attendre d´une conférence de Doha où seul Sarkozy s´est déplacé pour représenté tout l´occident, les autres partenaires industrialisés ayant vraisemblablement estimé qu´il était temps de mettre fin, surtout en cette période de crise accrue, à l´entretien de fausses illusions qu´ils n´étaient plus en mesure de supporter la douteuse promesse. Et même si Sarkozy s´évertua d´emblée à tranquilliser le Sud, de conférence en conférence la vérité avait cessé par jaillir de toutes les pores de dame illusion. Celui qui croyait encore fermement à l´aide décisive occidentale envers les pays pauvre ; celui-là rêvait debout ou n´avait pas écouté les remontrances du secrétaire général de l’Assemblée générale des Nations unies, Miguel d'Escoto qui dénonça l’attitude des pays occidentaux « qui n’ont pas pris les décisions nécessaires à la réalisation des objectifs du millénaire pour réduire la pauvreté ». L’engagement pris par les pays riches était de consacrer 0,7% de leur produit intérieur brut (PIB) à l’aide qui attend depuis 40 ans. Le consensus de Monterrey consacrait également le commerce comme pilier du développement. Or, « les subventions agricoles américaines et européennes ne l’ont pas rendu possible », a ajouté le secrétaire général de l’Assemblée générale des Nations unies.

On se trouvait donc non au bal des sourds et des muets ou celui du rendez-vous manqué du donné et du recevoir comme bien de naïfs aiment à qualifier ces conférences enfumantes plus largement prometteuses que réellement sincères et franches. Et ici il ne s´agissait pas seulement de bonne foi, ou de promesse donnée ; mais bien de la nature elle-même de la situation qui liait les deux partis : d´un côté les riches qui se rendaient de jour en jour compte que leurs richesses étaient fondées sur l´exploitation des pauvres, et de l´autre des pauvres qui tardaient à comprendre qu´il fallait se libérer du joug exploitant des riches en accumulant soi-même. Attendre que les pays riches fassent ou propulsent les pays pauvres dans le développement ; cela n´était pas seulement une illusion de parvenu naïf aliéné et irréaliste, car cela était nocif aux intérêts agricoles et industriels des pays riches ! Ils réduiraient donc leurs gains et leurs influences économiques ou se mettraient eux-mêmes la corde au cou entraînant leurs économies à se rétrécir. En pleine période de crise économique, on se garde bien de piétiner sur ses rentrées quelles qu´elles soient.

De l´autre côté, du côté africain, qu´avait-on fait de l´aide jusqu´alors ? L´avait-on utilisée à bon escient comme l´avait fait la Chine (qui recevait encore 300 millions € de l´Allemagne par an, par exemple), de l´Inde, du Vietnam ou du Brésil ? Avait-on élevé et soutenu les facteurs réels de développement ? Et là, hélas, la réponse est bien modeste, si pas décevante : l´Afrique était encore gangrenée par l´analphabétisme, l´agriculture inculte et attardée dans ses méthodes de diversification autant que dans celles de production. La formation professionnelle des techniciens, des ingénieurs et ouvriers qualifiés n´était ni ambitieuse, ni up to date face à des secteurs importants comme la métallurgie, la chimie, la fabrications d´outils, instruments ou machines de production.

Par contre, la corruption, le bureaucratisme abâtardi et improductif, les guerres religieuses (comme actuellement au Nigeria) ou tribales (Kivu de la RDCongo) : tous les symptômes de conflits de réalisation butant à l´impasse inassouvie d´un désespoir sans autre issue que d´entretenir la pauvreté, le chômage et la mendicité. Le désarroi poussant à des conflits armés largement entretenus par des occidentaux intéressés par quelques exploitations sauvages de mines et de richesses naturelles ou pétrolifères dont ces pauvres pays étaient les titulaires. Avec la crise économique, semblait-il, la fausseté néocapitaliste occidentale était revenue en Afrique pour s´y enrichir de nouveau à vil prix en évitant de faire participer les populations locales au partage des gains qui leur revenait de plein droit. Et devant cette situation dangereuse d´appauvrissement immérité et injuste, on se demandait bien ce que faisaient les gouvernements africains pour y remédier ? Tous se précipitaient à exiger des occidentaux qu´ils les aident, mais quand bien même ceux-ci le faisaient comme la Belgique envers le RDCongo (200 millions € par ans), que faisait-on de cette aide, que diable ? Rien d efficace, apparemment. Sinon, où sont donc les résultats ? Les chinois, eux pouvaient les montrer largement, les indiens aussi…chez les africains on entendait toujours la même chanson depuis des décennies : aidez-nous, donnez-nous, assistez-nous, nous sommes si pauvres ! Or, quand on voyait dans quel luxe ou avec quelle nonchalance dépensière vivaient les élites quémandeuses, c´est á peine si on pouvait parler de pauvreté…ou responsabilité du pouvoir exercé en connaissance de cause !

A Doha, le président de l’Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, a pris la parole pour appeler une nouvelle fois à la conclusion du cycle de Doha sur la libéralisation du commerce. Tiens, pourrait-on répondre à monsieur Lamy, belles paroles au moment où l´Amérique de Bush, devant le monde entier avait sciemment tenté, avec un libéralisme cannibale, de truffer les finances mondiales de fausses valeurs pour s´en rendre maître. Par ailleurs, cet appel au libre commerce avait été employé par les américains et les occidentaux, avec un scandaleux dumping ouvertement subventionné des prix agricoles, à empêcher d´une part aux africains de vendre leurs produits, et avec l´aval du FMI et de la banque mondiale, à envahir les africains avec leurs conserves et leurs produits agricoles en effondrant ainsi les agricultures et les élevages des pays africains. Si c´était cela que monsieur Lamy appelait le libre commerce, ce commerce n´était plus libre ; il était devenu cochon et truqué sciemment par les riches pays occidentaux industrialisés !  

   

A cette problématique, cependant, le président ivoirien, Laurent Gbagbo, n´avait d´autre solution que d´inviter à la création d´une banque d’investissement des pays du Sud pour stimuler leurs économies ! Incroyable, devrait-on dire ; depuis quand la création d´une banque quelconque vient-elle régler tous les problèmes de l´analphabétisme, de l´improductivité, du manque de formation adéquate, ou celui de l´absence de mécanisation agricole et autres ? On le voit ici, à force de ne pas connaître le mal dans toute sa profondeur et y apporter des solutions précises et efficaces, l´élite africaine dépassée se réfugiait dans la création d´institutions qui certes font partie de la solution, mais qui n´étaient pas au centre immédiat des facteurs qui doivent résoudre le problème efficacement. Un défaut bien connu. Car ce n´est pas une banque qui crée les écoles et les construit ou organise et modernise les méthodes de production. Ce sont des décisions politiques d´acteurs économiques déterminés qui le font.

On se trouvait donc à Doha à un bal du verbe qui, à force de jouer l´acrobate entre les bonnes intentions et faire des promesses qu´on ne voulait ou qu´on ne savait pas tenir, on en venait à transformer en procession ridicule ces conférences ne conduisant à rien de concret. Ou s´agissait-il seulement de dîner ensemble, de se faire des promesses oiseuses ou d´émettre des intentions apaisantes mais vides pour ne pas avouer à ses vis-à-vis qu´on jouait tout simplement la carte étirée du temps. Et que chacun, avec le temps, devrait tirer ses conclusions de ces parodies qui ne servait qu´à cacher la vérité toute nue : chacun pour soi, Dieu pour tous.

A force de mendier, d´attendre ou d´être dépendant de l´aide occidentale, et surtout à force de ne pas produire soi-même les facteurs et les instruments de sa réalisation, l´Afrique se laissait mener en bateau en haute mer : là où les vagues de la pauvreté et de la révolte sociale étaient bien hautes et destructrices. Or, ce continent, pour conserver son équilibre et garantir un meilleur avenir à ses enfants, avait un besoin pressant d´un structuralisme fidèlement orienté à ses intérêts, contrairement à celui hérité de la colonisation ou même convoyé actuellement par l´occident qui ne menait qu´à un utilitarisme chosifiant et bouffon. Celui qui croit que l´occident, avec cette crise économique et financière, va revenir à de meilleurs sentiments ou réduire son agressivité économique et commerciale internationale envers les faibles et les pauvres se trompe bien : après avoir pansé ses blessures et remis son système économie à flot, l´occident sera encore plus agressif qu´hier pour récupérer le manque à gagner perdu dans la crise.

Ceci veut dire que l´Afrique doit cesser de se faire d´illusion et mettre sur pied rapidement d´efficaces et ambitieuses structures lui permettant de sortir d´elle-même de ses déboires et de ses manquements. Il s´agit, après tout de sa liberté, et nul que l´africain lui-même n´en connaît le prix, la passion amoureuse ou les attentes qu´elle doit rendre possible. Ni de l´aide quelconque, ni de Doha ne peut venir le véritable développement de l´Afrique ; c´est plutôt par l´effort matériel, imaginaire et l´assiduité de ses propres enfants que peut germer cette fleur au parfum et aux rêves irrésistibles qui viendraient rendre justice aux insatiables attentes de ses peuples. Pour tous les peuples de la terre cela a été le cas, pourquoi en serait-il autrement pour les africains ?

Musengeshi Katata

« Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu »

 

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