Afrique : inventer un système éducatif en cohérence avec un autre développement ?
Commentaire sur l´article de Pambazuka News du 01.03.2010 : "L'éducation
et la démocratie devraient être une construction commune" http://www.pambazuka.org/fr/category/features/62669
Dans
l'esprit de Joséphine Ouedraogo, les défis immédiats posés aux mouvements
sociaux africains sont énormes : recréer une façon de faire de la politique,
proposer des voies nouvelles pour la participation citoyenne, inventer un
système éducatif en cohérence avec un autre développement... A un an du Forum
social mondial de Dakar, dont son organisation assume le secrétariat, la
secrétaire exécutive d'Environnement, développement, action (Enda Tiers monde)
souligne aussi que l’Afrique de base doit être présente à ce rendez-vous qui se
tient pour la deuxième fois en Afrique, après Nairobi en 2007.
Il
n´existe pas « d´autre développement », il n´existe que le
développement ; personne ne marche avec les pieds du voisin, ne parle ou
ne mange avec la bouche d´un autre…
Souvent ce
n´est pas le résultat immédiat qui compte; les résultat, on peut toujours les discuter et les améliorer. C´est l´effort, l´amour qu´on a
mis à chercher sa voie, à collectionner ces détails de peines, de contraintes
et de joies qui nous ont conduit à l´aboutissement. Derrière cette riche expérience
se trouve ce qu´il y a de précieux en nous : l´amour et la patience déterminée à aboutir
à une victoire. Et cela, c´est une richesse inestimable parce qu´on peut toujours l´employer pour vaincre de nouveau. MK
Bien sûr que l´éducation et la démocratie sont les pièces de la même
médaille, seulement, il ne faut pas inverser l´ordre d´entrée dans la
phénoménologie sociale réelle ! Ce que les africains font pourtant
actuellement en roulant en voitures étrangères et en d´endettant pour consommer
importés sans penser le moins du monde à produire eux-mêmes ou du moins aboutir
à leurs propres technologie de mobilité, de production de biens et de moyens de
développement. Et pour revenir à l´éducation, c´est bien elle qui précède à la
démocratie parce qu´elle discute, conquiert et développe les instruments et les
moyens de réalisation sociale et individuelle. Et sur le chemin critique de sa
réalisation elle s´aperçoit qu´il lui faut un système de valeurs efficace
soutenant ses idéaux sociaux et les organisant au mieux autour de la politique
et d´un processus déterminé par lequel les forces démocratiques se sécurisent, s´articulent,
se discutent et échangent leurs enjeux.
En Afrique on semble, chère madame, mettre la charrue devant les bœufs dans
bien de domaines, comme vous le dites si bien en conseillant aux intellectuels
de se rapprocher de leurs peuples et de leurs arrières pays. Là où je ne vous
suis pas, c´est de prétendre que ces intellectuels doivent employer la langue
du paysan ou que l´Afrique devrait suivre ou prendre exemple sur l´exemple de Paulo Freire et sa pédagogie de la
libération en Amérique latine…hem,
chère madame, on ne peut tout de même pas importer des méthodes d´éducation qui
sont propres à une culture et une psychologie culturelle étrangère à l´Afrique
pour y résoudre des problèmes d´une tout autre nature socioculturelle ! On
peut s´en instruire, certes, mais l´Afrique a sa personnalité culturelle
propre. C´est aux intellectuels de faire leurs devoirs d´analyse et de
compréhension de leur contexte et offrir aux leurs un système de valeurs
éducatives actives et dynamisantes répondant à la fois à leurs cultures
respectives qu´aux défis devant lesquels ces cultures se trouvent dans le temps
et l´espace. Notons ici qu´abrutir les jeunes africains avec des normes
sociales inefficaces est tout aussi empoisonnant pour l´avenir que les laisser
analphabètes, sans instruction et formation professionnelle digne de ce nom.
C´est ici que commence le grand problème des intellectuels africains avec
la question : savent-ils au moins devant quels défis rationnels,
techniques, scientifiques leurs cultures sont confrontés face au développement,
à l´industrialisation, à la connaissance et au développement des techniques et
des sciences comme principe universel contemporain de réalisation sociale ?
Certains intellectuels surmenés pensent qu´il s´agit d´un phénomène de la
mondialisation, or on oublie que la mondialisation a commencé en Afrique au 7e-8e
siècle avec les invasions et l´esclavage islamique, puis au 15e-16e
siècle avec l´esclavage occidental qui dura 400 ans. Qu´est-ce qui fait donc la
différence entre la mondialisation primitive d´hier et celle
d´aujourd´hui ? Hier comme aujourd´hui on fit l´abus et la chosification
économique ; aujourd´hui il s´agit plutôt de tenir les gens à œil et à la
laisse en contrôlant leurs marchés, leurs politiques, leurs économies
subtilement. Ou de savoir réagir rapidement sur des marchés étrangers. Pour le
reste rien n´a changé : les pauvres s´appauvrissaient ou s´endettaient et
ne parvenaient pas à se subvenir á eux-mêmes et de l´autre côté avec le système
économique et financier de son côté, la technique et les technologies de
production, les riches s´enrichissaient de plus en plus. C´est aux
intellectuels africains de se rendre compte de ce piège de stagnation et de
fourbir des plans efficaces pour en sortir, sinon, quelle est leur
utilité ? Certainement pas rouler en limousines étrangères, brader leurs
marchés commerciaux et leurs accumulations socioéconomiques aux producteurs
étrangers !
Je vous rejoins, chère madame Joséphine
Ouedraogo, lorsque vous dites : « En Afrique subsaharienne, les politiques éducatives produisent la même
chose que le modèle du système: exclusion, chômage, pauvreté. Même problème,
même résultat ». On ne peut pas vous reprocher de ne pas avoir vu et
compris exactement ce qui se passe, notamment que l´économie ne marchait pas en
Afrique. Or celle-ci ne peut marche que s´il y a technologie et production.
Mais si vous dites qu´il faut employer le langage des paysans pour produire ou
faire avancer l´économie. Je vais croire qu´il s´agit ici de langues
vernaculaires locales, ce qui serait absolument vrai. Mais la technique et la
science ont le même langage partout dans le monde : un sens rationnel,
descriptif normé des processus et des applications ; croire qu´on peut se
développer ou produire mieux sans instruction, sans formation professionnelle
et technique appropriée…on a joué à ce jeu en Afrique jusqu ici en abandonnant
l´agriculture et l´élevage aux incultes et aux analphabètes, cela n´a en rien
fait avancer les choses. Il faut donc redoubler d´efforts dans la formation
professionnelle et la qualification de la main d´œuvre en Afrique afin que l´efficacité
et la qualité fassent enfin leur apparition.
Au-delà de tout cela se trouve l´économie qui n´est rien d´autre que la
mise en jeu de facteurs et de moyens permettant d´arriver à produire et
satisfaire aux besoins et nécessités contemporaines de la vie. Si au départ on
achète et dépense les produits étrangers et méprise les siens propres, ceux-ci
ne vont ni trouver acquéreur, ni inciter aux investissements incessibles dont
ils ont besoin pour s´épanouir sur le marché. L´éducation est aussi un produit
de l´organisation culturelle sociale née de l´évidence qu´il faut donner des
instruments de connaissance, de formation professionnelle, de compréhension et
capacités rationnelles aux membres de la société afin qu´ils viennent remplir
plus ambitieusement le rôle individuel et social qui les attend. Mais derrière
cette éducation, ce qui est absolument important est la conscience culturelle
de l´élite qui a mis les paramètres éducatifs à jour et les rajuste en
permanence pour les adapter aux défis progressifs des temps ; cette élite,
en effet, doit être animée du devoir de mettre entre les mains de la société autant
que celle de l´individu d´un instrument d´éducation, de normes efficaces,
ambitieuses mais aussi réalistes et flexibles permettant au fameux jeu de
miroir social de ne pas enfermer la société ou l´acteur social individuel dans
un piège de suffisance et de reproduction servile, mais bien d´encenser la créativité,
la joie intellectuelle, esthétique et professionnelle ouvrant tous sur un amour
de soi, de la beauté, de la perfection, de l´invention et de la curiosité
permanente comme lieu d´assouvissement et de réalisation individuelle et
sociale.
A mon sens, et sûrement issu du fait que les cultures africaines sont en
retard technique et scientifique, les intellectuels africains ont tendance á ne
pas prendre les choses par les racines et rester conséquents. Pourquoi ? Mais
parce qu´ils se réalisent, la plupart du temps, hors de l´univers culturel et économique
des leurs. Leurs livres sont étrangers, leurs diplômes aussi, leurs voitures,
la langue administrative qu´ils emploient pour gérer et gouverner l´Etat, etc.
Et ils sont bien conscients que l´étranger les juge et les manipulent en exerçant
une certaine influence politique et économique sur eux, tandis que les leurs,
eux ne savent pas exactement estimer ce qu´il faut faire ou comment il faut le
faire pour aller de l´avant. Ces intellectuels doivent revenir sur terre, cela
va de soi. Après tout, ils ne sont rien d´autre que des enfants de ce même
peuple qui leur réclame, au nom de la légitimité du pouvoir qu´ils exercent ou
leur vocation d´intellectuel, qu´ils les organisent et dirigent l´avènement de
leur meilleur épanouissement. Derrière tout cela se trouve bien une question de
fierté culturelle et intellectuelle, d´amour des siens et de soi-même comme
savante projection de la société. Les intellectuels africains doivent bien se
demander s´ils sont capables d´exercer leurs devoirs adéquatement et si on peut
leur faire confiance. Est-ce réellement le cas actuellement ? Il ne faut
pas croire que pour être un intellectuel il faut seulement parler les langues
coloniales, arborer un diplôme dont on n´arrivait pas à prouver l´utilité,
consommer étranger, courir de conférence en conférence inutile et rouler en limousine
étrangère pour mériter la reconnaissance et les acclamations de son peuple. C´est
tout de même plus que cela !
Musengeshi Katata
« Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu »
Forum Réalisance