Le discours de Kabila au cinquantenaire de l´indépendance de la RDC, un grand discours de réconciliation nationale ?
Majestés, Messieurs les Chefs
d’Etat et Chers frères, Distinguées Premières Dames, Mesdames et Messieurs les
Chefs de Délégations, Distingués Invités, Chers compatriotes,
Il y a
exactement cinquante ans, sur les cendres de plusieurs décennies de
colonisation, naissait la République Démocratique du Congo. Notre cher et beau
pays accédait ainsi à l’indépendance, ses propres enfants prenant en mains son
destin, et celui de notre peuple.
Réunis pour
célébrer cet événement historique, nous nous réjouissons de compter parmi nous
des frères, des soeurs et des amis, venus, parfois de loin, pour partager notre
joie. Je pense d’abord à Mes pairs, Chefs d’Etat et de Gouvernement, qui ont
tenu à honorer notre pays de leur présence, en dépit de leurs multiples
occupations. C’est pour nous, une grande marque d’amitié et de solidarité.
Je pense aussi
aux Chefs de Délégations et Envoyés Spéciaux des Etats, ainsi qu’aux
Représentants des Organisations internationales et des Communautés Economiques
Régionales, au premier rang desquels, le Secrétaire Général de l’Organisation
des Nations unies. Qu’ils soient tous assurés de la gratitude des soixante-cinq
millions de Congolaises et Congolais. Mes chers compatriotes, tout anniversaire
de naissance est cause légitime de réjouissances. C’est aussi un motif de
reconnaissance.
Cela est
particulièrement vrai pour la République Démocratique du Congo. Non seulement
parce que pénible a été sa naissance, mais aussi parce qu’il faut lutter chaque
jour, pour préserver son existence.
Il est donc
normal que s’élèvent des cris de joie, et qu’un hommage mérité soit rendu à
tous ceux qui ont permis que ce jour soit possible. Dans cet esprit, hommage
d’abord et avant tout, au Dieu Tout Puissant, pour le don précieux qu’il nous a
fait de ce beau pays, à nous peuple congolais, et pour la survie de la nation,
envers et contre tout.
Hommage à Simon
Kimbangu, le premier des nôtres qui osa proclamer et prédire la fin de la
colonisation.
Hommage à
Joseph Malula, Joseph Ngalula et Joseph Iléo, ainsi qu’à leurs amis, pour avoir
éveillé la conscience de nos élites, par leur Manifeste de 1956, jetant les
bases de premières revendications de décolonisation.
Hommage aux
Pères de l’indépendance Patrice Emery Lumumba, Joseph Kasa-Vubu, Albert Kalonji,
Jean Bolikango, Çléophas Kamitatu, Paul Bolia, ainsi que tous leurs compagnons
de lutte, pour avoir allumé le flambeau de la liberté; mais aussi, pour avoir
assumé, à travers les deux premiers cités, la lourde responsabilité de conduire
nos premiers pas, comme Etat indépendant, dans un contexte globalement
difficile.
Hommage à
Joseph-Désiré Mobutu, militant passionné de notre authenticité et de notre
unité.
Hommage à Mzee
Laurent-Désiré Kabila, défenseur acharné de la dignité du Congo et de son peuple,
et combattant, jusqu’au sacrifice suprême, de la liberté, et pour la
démocratie.
Hommage, aussi,
aux membres de nos forces armées, aux héros anonymes congolais, et aux frères
et amis d’autres nationalités, tombés avec honneur, sur divers champs de bataille,
pour sauvegarder notre indépendance, et préserver l’intégrité de notre
territoire.
Hommage, enfin
et surtout, au peuple congolais.
De génération
en génération, notre peuple s’est battu pour maintenir l’unité et l’intégrité
du pays, triomphant des forces centrifuges, et faisant échec à toutes les
convoitises. Nous lui disons donc, ainsi qu’à tous ceux qui ont combattu à nos
côtés dans les moments les plus difficiles de notre histoire, nos remerciements
les plus sincères, pour leur contribution décisive à la conquête, à la
préservation, et à la consolidation de notre indépendance. Je pense ici à tous
les peuples amis, dont les fils et filles ont perdu la vie, ou simplement donné
de leur temps, pour le triomphe de la cause congolaise. C’est notamment le cas
de l’Angola, de la Namibie et du Zimbabwe.
C’est aussi
celui, à travers la MONUC, et plus largement du Système des Nations Unies, dont
je salue solennellement la contribution, le cas de l’Afrique du Sud, de la
Tunisie, du Ghana, du Sénégal, de l’Egypte, de l’Uruguay, de l’Inde, du
Pakistan, du Guatemala et de la Chine. A tous, et particulièrement aux
immortels congolais mis en exergue, nous disons toute notre gratitude.
Nous les
remercions, parce qu’en dépit des sécessions, coups d’Etat, guerres civiles et
d’agression, ils ont permis à la République Démocratique du Congo de demeurer
fondamentalement telle qu’elle était au soir du 30 juin 1960. A savoir : * un
Etat souverain; * un territoire de deux millions trois cent quarante-cinq mille
kilomètres carrés.
Mieux: ils ont
contribué à ce qu’elle soit devenue une nation sure de son identité, forte et
fière de sa diversité, et à jamais confiante en son destin.
Mes chers
compatriotes, Le cinquantenaire n’est pas un anniversaire ordinaire. C’est un
moment particulier d’évaluation, en vue d’un nouveau départ.
Où en
sommes-nous donc aujourd’hui, cinquante ans après le 30 Juin 1960?
Il est
indéniable que nous avons connu des victoires remarquables. C’est le cas
notamment : * De la préservation de l’unité nationale et de l’intégrité
territoriale; * Du rétablissement de la paix à l’intérieur du pays, et avec nos
voisins; * De la réconciliation nationale; * De l’instauration du multipartisme
politique et syndical; * De la libéralisation des médias et de l’économie; * De
la transition consensuelle qui a permis des élections libres, transparentes et
démocratiques; * De la démocratie dans notre pays, encore jeune certes,
cependant bien réelle et vivante.
Il est
également indéniable que nous avons aussi connu de regrettables ratés,
notamment en matière de développement, de progrès social et des droits humains.
Comme Nation et comme peuple, nous sommes, quoiqu’à des degrés divers,
collectivement responsables de cette relative insuffisance de performance. Il
importe d’en cerner la teneur et les causes, car nous ne pouvons nous permettre
de faire l’économie d’un travail exhaustif d’évaluation.
Ce travail est
en cours, sous la coordination du Commissariat Général du Cinquantenaire. Il se
fait avec le concours d’éminents experts congolais et implique, directement,
différentes couches de notre population. Toutes les conséquences en seront
tirées, une fois terminé.
Pour l’heure,
l’urgence consiste à recenser nos atouts, mais aussi nos faiblesses, pour mieux
baliser l’avenir.
A ce sujet, je
me réjouis de noter que, indiscutablement, la conscience nationale est plus que
jamais en éveil, et que lentement, mais sûrement, le Congo se redresse, tel un
géant qui s’éveille, après un profond sommeil. Je note aussi que chaque jour se
confirment davantage l’Etat de droit, l’ancrage de la démocratie, la stabilité
des institutions, la solidité croissante des fondamentaux de l’économie, et les
perspectives d’un développement durable et harmonieux du pays. Pour n’en citer
que quelques uns, j’en veux pour preuves les faits suivants : * La fin de la
crise de légitimité, vieille de quarante ans, suite aux élections générales de
2006; * Le recours préférentiel au dialogue, à la justice et au jeu
institutionnel pour la prévention et le règlement des conflits; * La stabilité
aujourd’hui avérée du cadre macro-économique, et un taux de croissance
constamment supérieur à la moyenne africaine sur cinq des six dernières années;
* Le démarrage effectif de la reconstruction du pays, comme en témoigne
plusieurs chantiers. Mes chers compatriotes, La liberté, la démocratie et le
développement sont des quêtes permanentes. Le travail amorcé par nos aînés
n’est pas terminé. Nous avons donc beaucoup de défis à relever.
Ces défis sont
cependant à notre portée, car nous sommes dignes de notre destin.
Le destin
extraordinaire d’un pays aux dimensions continentales, d’un espace aux
ressources naturelles incommensurables, d’un peuple à la créativité
intarissable. Ce destin nous impose une grande ambition pour les cinquante
prochaines années. L’ambition, premièrement, de devenir un havre de paix au
coeur de l’Afrique, et une force de stabilisation de la région des Grands Lacs.
La paix pour le Congo certes; mais aussi pour tous les pays qui nous entourent,
et bien au-delà. Non pas la paix factice que procurent les armes ou la peur;
mais celle véritable et durable, fruit de l’Etat de droit, de la justice, de
l’équité et de la solidarité. A cette fin, les efforts déjà engagés seront
poursuivis, avec pour objectifs : * D’affermir davantage la paix; * De
consolider la démocratie; * De rendre effective la décentralisation; *
D’organiser, dans les délais, les deuxièmes élections générales, puis les
élections locales et municipales; * De mener à terme la réforme de l’armée, de
la police, des services de sécurité et de la justice; * D’entretenir la
confiance et la cohabitation pacifique, aujourd’hui rétablies, avec tous les
pays voisins; * De développer, enfin, la coopération et l’intégration
régionales.
L’ambition,
ensuite, de devenir une puissance économique au coeur de l’Afrique, et un
centre pour préoccupation constante, le bien-être du Congolais. Dans cette
optique, septième géant agricole du monde par son potentiel, notre pays aspire
légitimement à l’autosuffisance alimentaire, et entend contribuer à celle des
pays frères. De même, disposant d’un réseau hydrographique impressionnant,
d’importantes ressources forestières et d’immenses potentialités en
hydroélectricité, le Congo aspire à satisfaire ses besoins en eau, ainsi qu’en
énergie électrique non polluante. Il entend aussi aider à faire de l’Afrique,
un acteur incontournable face aux problèmes de développement durable et de
réchauffement climatique.
Mes chers
compatriotes,
Ces objectifs
ne sont pas irréalistes, vu la performance, pour le moins historique,
enregistré au titre du volet «Infrastructures» des Cinq Chantiers de la
République. En effet, en douze mois de mise en oeuvre effective de ce volet,
notre environnement physique est en train de se transformer, du fait des
travaux d’une ampleur jamais connue, et dont le rythme d’exécution démontre que
nous sommes conscients de l’urgence à rattraper le retard accumulé.
Nous entendons
donc poursuivre, à un rythme plus accéléré encore, la modernisation de nos
infrastructures sur toute l’étendue du territoire national. Il en est de même
des réformes économiques en cours, les objectifs dans ce cas étant
l’augmentation de la valeur ajoutée locale, et le développement d’un secteur
privé national plus performant et compétitif. Que les investisseurs nationaux
et étrangers se rassurent donc quant à notre volonté d’entretenir, avec le
secteur privé, un partenariat actif, dans le respect, bien entendu, des lois de
la République et des intérêts vitaux de notre pays.
C’est tout le
sens des efforts que nous déployons inlassablement pour améliorer le climat des
affaires.
En revanche,
tout pillage et toute exploitation illégale de nos ressources seront
vigoureusement combattus.
Nous voulons,
en plus, engager une mise en oeuvre plus résolue du contenu social du programme
des Cinq Chantiers de la République. Des initiatives marquantes en faveur de
l’emploi, de l’éducation, de la santé, de l’habitat et du transport de masse
seront ainsi prises avant la fin de cette année.
Majestés,
Messieurs les Chefs d’Etat et Chers frères, Distinguées Premières Dames,
Mesdames et
Messieurs les Chefs de Délégations, Distingués Invités, Chers compatriotes, Au
moment où nous franchissons le cap du cinquantenaire, et tournons le regard
vers le centenaire, notre devoir est de tout mettre en oeuvre pour que les
cinquante prochaines années soient à tous égards meilleures que les dernières.
A cette fin, il
est important de souligner que l’insuffisance de ressources n’est pas le
problème fondamental du développement. Encore moins les considérations
techniques, telles que la faible capacité d’absorption, qui sont beaucoup plus
des symptômes que des causes. Le développement est d’abord et avant tout une
question de vision politique, de culture managériale, d’ordre, de discipline et
d’éthique.
Cela étant,
pour atteindre nos objectifs, il nous faut en plus, engager de manière résolue,
une véritable révolution morale.
Nous devons
bannir, et punir sans complaisance, l’atteinte à la vie et à la dignité humaines,
le viol, le tribalisme, le régionalisme, le favoritisme, l’irresponsabilité, le
vol, la corruption, le détournement des deniers publics, l’enrichissement sans
cause, ainsi que toute autre forme d’anti-valeurs.
Nous devons
chérir, et appliquer dans toutes nos actions, le culte de l’excellence, de la
transparence et de la méritocratie.
Nous devons
faire preuve de patriotisme, en privilégiant, en toute circonstance, l’intérêt
de la Nation sur les intérêts individuels, corporatistes ou partisans. Pour
nous y aider, ayons toujours à l’esprit l’Hymne de notre indépendance, qui n’a
pris aucune ride en dépit de l’âge, et dont pertinent demeure le message.
Souvenons-nous
toujours que nous sommes unis par le sort, et que c’est dans la paix, et par le
labeur, que nous assurerons la grandeur du Congo, et en ferons un pays plus
beau qu’avant. Unis par le sort, soyons donc unis pour la réalisation du Congo
de nos rêves. Bonne et heureuse fête du cinquantenaire ! Que Dieu nous bénisse
tous !
Je vous
remercie.
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