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21 juin 2006

Le Mundial 2006 : commercialité et conséquences

Quelle leçon l´Afrique peut-elle en tirer ?

Mundial 2006 : un exemple d´économisme

Le football  est un jeu qui, malgré qu´il se joue avec les pieds, est non seulement tactique, et donc réfléchi ; mais il est aussi dépendant de la condition et de l´agilité physique ainsi que de la capacité à résoudre en équipe à son avantage des situations antagoniste d´attaque, de défense. La passion grandissante de ce jeu et sa popularité n´est pas seulement émotive, émotionnelle ; ce jeu, qui stratégiquement vient après les échecs, exige beaucoup de discipline, de rationalité cohérente de système, d´emploi efficient de techniques de frappe, de maîtrise et maniement du ballon. Toute ces qualités ou avantages peuvent s´acquérir intuitivement, mais il est important qu´elles soient nouées autour d´une volonté tactique mettant rationnellement en jeu la possession de la balle, la maîtrise logistique de l´enjeu afin de conduire la partie au mieux de son avantage. Les équipes africaines qui se sont qualifiées à cette épreuve mondiale remplissent-elles les conditions leur permettant de défendre valablement le football africains ? Je pense que oui dans la mesure où, comme le disait un brillant entraîneur : sans ballon, même la meilleure équipe brésilienne ne vaut rien du tout. Otto Rehagel, un entraîneur allemand réputé, lui disait pour décrire le football et sa finalité : «En fin de compte, le ballon doit entrer dans les buts adversaires, sans cela tout est vain et inutile talent ».     

Le Mundial allemand de 2006 est vraisemblablement le premier Mundial le plus commercialisé de toute l´histoire du football : un Mundial, si on veut, de crise économique. Les économistes allemands avaient, à l´avance, estimé les gains financiers de cette entreprise à 50 milliards €, et pour voir à quel point le sport, et particulièrement le football a une incidence sociale, ces même experts lui affirmaient la création de 10.000 emplois fermes dans l´hôtellerie, la restauration, la brasserie, les médias et la retransmission d´informations et d´images. L´Allemagne en a grandement besoin en ce moment : le gouvernement fédéral vient de nouveau, et contre toute attente, de faire voter le parlement du budget 2006 sur un nouvel endettement de 38 milliards € ! Etonnante modestie pour une grosse coalition qui avait promis la retenue et la fin de l´endettement galopant. Et autant dire que les recettes prévues du Mundial s´étaient déjà envolées en fumée !   

Rappelons, à toute fin utile, qu´une retransmission télévisée d´une minute coûte 2.000 € en Allemagne, et varie jusqu´au double pour les pays étrangers. Une bonne affaire, en somme pour les médias de transmission audiovisuelle, surtout si les pays qualifiés sont riches et fiers d´offrir à leurs citoyens au pays la retransmission en directe ou en différé. Et c´est dans cet enjeu plus économique et financier qu´uniquement sportif que les équipes africaines de pays plutôt économiquement modestes sont tombés. Outre que ces pays n´étaient pas des plus riches, leurs conditions de préparation, d´encadrement mental et tactique n´étaient, soyons sincères, pas les mêmes que ceux de leurs adversaires professionnels venant de pays où le football avait depuis longtemps cessé d´être un simple jeu pour devenir un domaine organisé et structuré minutieusement avec tous les avantages médicaux, intellectuels et financiers parce qu´il rapportait gros. Et faisait des millionnaires à la pelle.

On a été surpris, et parfois énervé que les arbitres se comportent à l´endroit de joueurs africains autrement qu´à l´égard de joueurs représentant des pays riches, et particulièrement de l´Allemagne, pays organisateur. L´économisme explique cette désagréable subjectivité : les arbitres, inconsciemment ou pas, ont tendance à ne pas pénaliser des fautes des joueurs de pays dits « important pour le succès économique de cette manifestation » à l´endroit des africains sans poids financier imposants. S´ils arrivaient en prochaine étape, les entrées se réduiraient, les touristes largement payants rentreraient chez eux ou se désintéresseraient du Mundial. Tout cela se traduit par de subtils arbitrages de penalty non accordé au Togo, par exemple, d´exclusion de joueur pour des fautes sur lesquelles on fermait les yeux lorsqu´il s´agissait d´allemands ou autres joueurs pays riches. Après tout, qui donc payait les primes des arbitres ? Les entrées des pays riches, naturellement.

Lors de la dernière coupe intercontinentale de football, l´entraîneur mexicain avait mis les points sur les i en disant : « L´arbitrage fait de nous ce qu´il veut parce que nous venons de pays pauvres ; nous ne sommes en réalité que des figurants dont on a besoin pour se fêter soi-même ». Il avait exprimé ouvertement le sourd avis de bien d´entraîneurs et d´observateurs du tiers monde.

Avant de tirer un bilan définitif de ce Mundial pour l´Afrique, posons-nous la question : l´Afrique a-t-elle, comme le souligne le nombre impressionnant de noirs en moyenne dans les équipes du monde entier, refait son handicap tactique, d´efficience par rapport aux autres pays ? A cette question on peut dire oui ; on déplore cependant que les joueurs africains soient encore un peu naïfs non seulement quant à l´enjeu, mais aussi quant aux moyens de parvenir à leurs fins. Il sont tout aussi doués que les occidentaux, si pas plus doués (sinon, pourquoi pratiquement dans tous les pays du monde les africains sont-ils recherchés et appréciés ?) ; manifestement, et je ne prends que l´exemple du Togo qui a dû imposer par menace de grève sa prime de 75.000 $ par tête, l´encadrement économique, financier, structurel est encore infantile. L´Afrique souffre encore de cette maladie socioéconomique qui veut que le footballeur, tout en représentant la Nation entière, ne jouisse pas du soutiens financier et structurel qui leur revient, parce qu´ils sont tous issus de classes délaissées à elles-mêmes, pour épargner les frais. Et pour tromper les évidences, ou rendre justice à son aliénation ou son complexe, on engageait un entraîneur blanc qui, lui, non seulement coûtait des yeux à la tête, mais il n´arrivait pas, et l´histoire du football le prouve, à faire des miracles. Et à la longue, ce n´était qu´un mercenaire qui gagnait son argent, rien d´autre.

Un jour peut-être l´Afrique arrivera-t-elle à reconnaître ses erreurs d´estimation et de motivation face à n´importe quel enjeu existentiel : croire qu´on peut atteindre le paradis sans former et entretenir ceux qui doivent nous y mener ; c´est actuellement le grand défaut des élites africaines. Ils veulent tous aller au paradis, mais personne ne veut mourir, or mourir signifie qu´au préalable on a mis tous les moyens imaginaires et réels en œuvre pour atteindre une victoire, ou jouer un rôle qui nous rende les fleurs les plus belles de nos attentes, de nos ambitions. Mourir avec honneur passe par la connaissance, l´amour du détail, la préparation minutieuse, et ce qu´on oublie bien souvent : le conditionnement psychologique que nous gagnons en nous assurant que toutes choses restant égales, nous savons donner le meilleur de nous-mêmes, et que par conséquent nous méritons la victoire, parce que celle-ci doit être accordée au meilleur. Et nous exigeons des autres d´être traités en partenaires à part égale. Comment peut-on voir que beaucoup de pays africains n´ont pas encore compris cette philosophie pourtant incessible à la liberté et à la reconnaissance en tant que partenaire respecté ? L´absence de centres de formations spécifiques pour les métiers et les exigences modernes de toute société organisée et consciente de ses devoirs envers elle-même est criante en Afrique ; à se demander : comment diable veut-on former des techniciens adéquats et fiables si on ne prenait pas la peine de leur apprendre les principes et les exigences de leurs métiers ?. N´est-ce pas curieux que des athlètes performants kenyans, éthiopiens, lorsqu´ils courent en Europe et aussitôt qu´ils sont connus, ont aussitôt des entraîneurs et des managers occidentaux ? Curieux, n´est-ce pas ? Où étaient donc ces entraîneurs et ces managers pendant qu´en Afrique et sans leur aide ces talents s´entraînaient avec succès ? Que pouvaient-ils savoir de ce que c´est que former un champion de Marathon ou de courses de fond ? Rien, sinon l´Europe en serait remplie ! Abebe Bikila courut à Rome en 1960 les pieds nus et gagna en battant la concurrence à plate couture en établissant un nouveau record du marathon. Certes, on ne dit pas qu´il faut courir les pieds nus ; mais cela veut tout simplement dire qu´il faut se débarrasser de complexes, et surtout rester les pieds sur terre, plutôt que de se faire exploiter en s´aliénant encore plus bêtement.

Je terminerai en disant que pour que les africains deviennent efficaces et profitent eux-mêmes de leurs talents au lieu de devenir pour les pays européens des « porteurs d´eau », ce qui n´est rien d´autre qu´une forme moderne de l´esclavage ; que ce soit dans le sport, l´économie, l´industrialisation, l´éducation, l´instruction ou la science, ils doivent se donner la peine de se donner une norme de réalisation qui habille leurs engagements existentiels plutôt que de copier et d´imiter à longueur de siècles ou pire : acheter des objets, des services vides de réalisation qui ne mènent nulle part, sinon à gigoter, à paraître et jouer le clown plutôt qu´à être valablement. Car ce qu´on oublie souvent, c´est que c´est dans l´effort, l´ambition et son organisation que la culture gagne ses structures, ses principes, sa vraie essence.

Ce sont les professeurs, des techniciens, artisans, ouvriers que nous formons jalousement et que nous employons avec fierté en leur demandant de nous montrer le meilleur d´eux-mêmes qui viendront soutenir et motiver efficacement nos plus belles ambitions, qui viendront nous guérir de nos défauts et de nos erreurs, afin que la société s´enrichisse de leurs talents et de leurs créativités. Chercher le chemin facile, c´est s´aliéner, se tromper soi-même. La liberté et sa réalisation, mieux vaut la faire en épanouissant le meilleur de nos enfants, de nous-mêmes, que de l´acheter en prêt à consommer au coin de la rue, quand elle ne nourrirait ni notre âme, ni notre culture.

Musengeshi Katata

Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu

munkodinkonko@aol.com

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