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9 février 2007

Une lettre africaine sans ambage

L´Afrique est consciente de ses douleurs, elle cherche les meilleures voies pour s´en sortir.

De chaudes larmes sans consolation ?

"Bidi tenta kuetu, anu ne keba peba" Proverbe Luba

A Kalambayi.

Cher ami, j´ai bien reçu votre lettre. Ma fille, particulièrement, en a été fort touchée. Et je vous avoue que moi-même, au-delà de l´émotion que ces aveux et ces descriptions réalistes d´hôpitaux, des écoles, des conséquences du chômage…tout cela m´a fort impressionné. Pour la première fois avais-je devant mes yeux la preuve que les africains n´étaient pas, comme on le dit souvent, ni aveugles, ni apathiques face à la déplorable situation qui les menace chaque jour. Cette constatation m´a réellement fait plaisir parce qu´elle prouvait que les africains au delà du marasme qui entrave ce continent, du dur combat journalier contre la misère ou la pauvreté, quelques esprits éveillés n´avaient cependant pas perdu leur sens réaliste et leur jugement.

Je passe sur les compliments que vous m´avez faites que je considère comme superflues, tant est que je suis africain et que le sort de ce continent m´a toujours passionné (quand on est né au soleil, on en oublie rarement sa splendeur). Et je considère qu´il est de mon devoir de dire certaines choses sans atermoiement, parce que je m´y suis attelé d´une part, et de l´autre parce que malgré tout, j´ai toujours l´impression – et tu l´as reconnu toi-même - que beaucoup trop d´africains souffraient d´un éloignement de la vérité, d´un réalisme sincère et objectif qui permettrait à tous de saisir le principal et d´y oeuvrer efficacement. Cela nous aurait, ou pourrait nous offrir une base plus solide pour défendre les intérêts de nos cultures, car ce sont elles qui sont en danger et souffrent douloureusement du manque, de la légèreté, de l´aliénation aux fausses illusions internes ou étrangères.

Oui, j´ai été surpris de m´entendre dire que les africains savaient bien que leurs élites actuelles les dévoyaient par faute de respecter et de vouloir réaliser les leurs. La promiscuité contraignante de la culture occidentale envahissante y est pour beaucoup, et cependant, on doit se demander si les africains eux-mêmes ne s´accrochaient pas à l´eau pour se sauver de la noyade ! Il faudrait tout de même se débarrasser de ses fausses illusions selon lesquelles la culture occidentale nous réaliserait, il ne suffisait que de la servir ! Partout en occident les africains avaient fait l´expérience réelle de ce mensonge dans le logement, le travail, le mépris de l´exclusion et du racisme occidental. N´était-il pas temps de changer ? Allions-nous continuer à nous laisser prendre en esclavage, coloniser, dépouiller par la francafrique, et en fin de compte condamnés à se prostituer ou à immigrer en Europe ? Qu est-ce qui fait, diable que l´africain soit toujours à la traîne, qu´il soit toujours méprisé et voué à toutes les vicissitudes ? Combien de temps encore cette logique de la destruction et du mépris allait-elle encore continuer ? Nous avons déjà 6 siècles de joug occidental derrière nous…et avant cela, près de 10 de joug islamique. Cela ne suffit-il pas ?

Cette histoire m´a incité à me pencher profondément sur les facteurs et raison de conformation de la vérité sociale, historique et des conséquences qui en découlent. Les résultats ne sont pas flatteurs, mais on y apprend au moins ce qu´il faut à tout prix changer pour retrouver le principal de notre historicité en l´armant de conditions fondamentales pouvant défendre au mieux notre avenir, notre réalisation.

Nous ne pouvons pas attendre que l´occident change ; elle ne le fera pas. Par ailleurs, les chinois et les indiens aussi se mettent de la partie…Nous devons nous faire à l´idée que ce monde, nous le partageons avec d´autres cultures avancées, rapaces, impérialistes, racistes ou religieux totalitaires. C´est à nous de nous défendre efficacement et de repousser les destructions faites à nos valeurs et à notre avenir. Pas les autres !

A mon avis, sans entamer rapidement les efforts qui conduisent rapidement à l´industrialisation, les problèmes de l´Afrique vont devenir trigonométriques et insolubles. Ce qui veut dire un effort radical d´instruction et d´élimination de l´ignorance et de l´analphabétisme. Le tout accompagné d´une sévère objectivisation et technisation des sociétés et des formations. Et bien sûr l´abattement de la francafrique afin de rendre le marché et les monnaies africaines à leurs légitimes devoirs naturels. Tout cela, je le sais, est vite dit ; et cependant, il n´y a pas d´autres alternatives. Si on veut changer les choses au mieux.

Mais la plus grande question restera : ceux qui doivent concevoir et organiser ce changement, sont-ils à leurs postes ? La conscience baladeuse n´a jamais conduit à des résultats concrets, tout le monde le sait. Et plus : ont-ils la grandeur et l´endurance qu´exige leurs devoirs ? C´est la question qu´on se pose en Afrique en ce moment, que toutes les générations assoiffées de réalisation se posent. Pour ma part, je suis sceptique ; je te l´avoue franchement. Ou alors il faut changer de rythme de développement, aller plus vite. Et surtout, faire un énorme effort créatif et imaginaire. L´Afrique en est-elle capable ? Je le pense bien, sinon on ne verrait pas ses meilleurs techniciens et ses porteurs de connaissance briller à l´étranger pendant que chez eux la famine et la misère abattaient les leurs !

Pour finir, cher ami, je peux vous avouer que je ne suis ni amateur de miracle, ni de rêveries creuses. Et pour ce qui est de la diaspora dont je fais partie, je dois t´avouer une chose : nous avons certes un sens aigu de la liberté, et peut-être plus ambitieux que ceux qui sont restés au pays, notamment parce que nous avons quitté la mère Patrie, et que nous voyons les choses avec plus de distance, mais aussi plus d´émotion et d´amour du milieu que nous avons perdu. Et dont le cœur chaud bat chaque jour dans nos poitrines. Mais cela ne veut pas dire que nous nous sommes égarés. Bien au contraire, plus que jamais nous avons appris que notre âme était resté en Afrique, auprès des nôtres. Notre sens de la liberté peut sembler passionné, exigeant ; comment pourrait-il en être autrement après toute la solitude de l´éloignement, les efforts d´intégration en pays étranger et les mépris que nous avons du souffrir ?

Je reste donc réaliste, mais pas pessimiste ; et cependant, qu´on ne se fasse aucune illusion : nous sommes, comme tous les africains d´ici et d´ailleurs, profondément épris de la même liberté, du même amour pour ce bout de continent qui est le nôtre. Et non, nous ne vous avons ni abandonné, ni offert gratuitement à une triste veillée funèbre. Avec ma profonde fraternité,

Musengeshi Katata

Muntu wa Bantu, bantu wa Muntu

munkodinkonko@aol.com

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