Un livre intéressant: Sur le système éducatif en Afrique
Lecture de l´analyse d´Antoine Guidjol : « Le système éducatif en Afrique noire » paru chez l´Harmattan. ISBN : 978-2-296-02884-5
Un mal purement africain ou un problème universel ?
Avant propos
Lorsque j´ai eu connaissance de la publication de cette analyse, j´ai été fort intéressé de la lire, et cela, pour plusieurs raisons : l´éducation est un des problèmes fondamentaux, sinon le plus grand de toute société humaine, de toute culture. Ce domaine ou cette vocation de l´existence humaine est devenue d´autant importante que l´organisation des sociétés, la complexité des attentes humaines atteignaient, de par notre vie moderne, des exigences complexes et ambitieuses. Et au fait, parler d´éducation, c´est autant parler de culture, d´us et usages, de conflit de génération, de norme et contenus de valeurs, des buts et de la valeur de l´existence elle-même, de la réalisation individuelle et collective, de mode de vie et d´opinion, de rapport en soi et pour soi de la convivialité internationale, de la connaissance…de philosophie existentielle.
Et en lisant ce petit concentré d´analyse, j´ai été agréablement surpris : tout y était. Et même si, à la fin de la lecture, j´eus le sentiment que le débat restait ouvert, je n´ai pas été déçu, car les bons ouvrages incitent toujours à lire où à ce que l´auteur reprenne sa plume et aille encore plus au fond des choses. Il est vrai que le thème est immense et riche de par le fait que toute notre vie est en fait trempé dans un tissu quelconque de l´éducation, de son manque, de ses défauts et ambitions. Ce qui fait poser les questions au bon sens : éduquer pour quoi faire, à quels buts ; quelles sont les qualités, les repères, les buts et les exigences d´une « bonne éducation » ? L´auteur ne s´est pas laissé piéger à cette discussion sans fin ; il a cependant bien établi le rapport sociohistorique qui avait entaché l´idéal social d´éducation en Afrique. Par rapport à l´occident colonialiste et hégémoniste. Ce qui mettait l´opportunité d´une identité éducative africaine autonome et indépendante des africains à l´ordre du jour. Et c´est excellent, parce que de par la mainmise postcoloniale sur l´Afrique, cet effort n´a, que ce soit de la part du paternalisme occidental outrageant que de la classe dirigeante en Afrique, à notre grand regret, reçu les attentions qu´il mérite. Et bien de déboires actuels de l´Afrique noire s´expliquent éloquemment par-là, parce que l´existence, ses règles, ses nécessités et ses ambitions qu´on nomme implicitement ou explicitement « Culture » se retrouvent toujours ancrés, discutés, encourus, souhaités…dans le système éducatif !
Sur le contenu
Contrairement à ce qu´a divulgué l´occident, croire que l´Afrique n´a rien produit ou rien écrit est de la pure gratuité des plus malhonnête, car les Bâtons d´Ishango le prouvent ainsi que les hiéroglyphes des pyramides d´Egypte ! Croire donc comme le laisse ironiser l´occident que l´identité de l´africain apparaîtrait comme un «dehors sans épaisseur» et comme un «dedans sans profondeur» est de la pure méchanceté. Sinon, pourquoi biens de sociologues admettraient-ils que les valeurs sociales africaines soient plus sociales que les leurs ? (Occidentales et purement mercantiles, bien entendu). Et même si, avec une bassesse honteuse et sans vergogne, ils mirent tous leurs efforts militaires, sociaux, éducatifs, spirituels et même criminels à déraciner et à détruire l´âme culturelle africaine ; pourquoi cette hargne si les africains n´avaient ni culture, ni civilisation ? Et surtout, pour eux qui se réclamaient de haute culture et de haute civilisation tout en ayant pratiqué sur les faibles africains, et ceci pendant 400 ans durant un esclavage des plus barbare ? Qui était en fait le civilisé ; la victime ou le criminel de droit commun ? On le voit : il ne suffit pas seulement d´écrire, de posséder une culture d´expression écrite pour être civilisé ! Car on en oubliait vraisemblablement que même si on traînait ses propres valeurs pertinemment dans la boue par rapacité, par cupidité ou par simple mépris gratuit des autres, tous ces actes restaient écrits pour l´avenir ! Eh oui ; écrire…mais plus tard ne pas vouloir reconnaître ses propres méfaits, et se prêter raison et droits abusifs sur l´existence des autres…C´est à se demander : à quelle genre d éducation ces occidentaux ont-ils donc élevé ? Quels étaient leurs systèmes de valeurs absolues, et pourquoi les africains devaient enterrer les leurs pour adopter un ordre dans lequel on les empêchait sciemment, sournoisement à accumuler, à défendre leurs valeurs propres et leurs sentiments ? Au fait, l´existence se résumait-elle à se réaliser soi-même ou à n´être qu´un pantin, une chosification des autres ? A cette question fondamentale la civilisation occidentale, autant de par son passé, esclavagiste, colonialiste, que par son paternaliste actuel dominateur et affligeant se cassera les dents ; car tout cela ne témoigne ni d´une haute culture de respect humain, ni d´une véritable et réelle philosophie humaine de liberté ou de démocratie.
Sur la portée existentielle réelle de la connaissance
La connaissance est un élément primordial de la culture et ce faisant, de la réalisation collective et individuelle ; son but est, dans toutes ses facettes celui de répondre à la pleine réalisation de nos attentes, de nos ambitions, de nos désirs de réalisation. En Afrique, cependant, on assiste actuellement au faux qui substitue la réalisation africaine (individuelle ou collective) à la satisfaction de l´occidentalité tout court !?! Pourquoi cette psychopathologie de confusion entre l´objet et son but, entre la réalité et l´illusion ? Peut-on se réaliser pleinement soi-même en empruntant, au détriment de ses propres exigences, de ses propres ambitions existentielles, les contraintes étrangères aussi opprimantes, dominantes ou même facilitant qu´elle soient ? Non, car ce qu´on gagne apparemment par la facilité ou le paraître comme le maître le veut, on le perd par la motivation et la mise en œuvre de la réalisation sensible. On est, on devient tout au plus consommateur de la production des autres que maître de sa propre destinée. Et au lieu d´insuffler vie et joies à son propre devenir sensible, on singe et on emploie ce qui, tout en assagissant notre soif ou nos besoin, détruit notre créativité qui est, en fin de compte, la richesse la plus valable de toute vie humaine.
Ce n´est pas la connaissance en soi ou pour soi qui fait de sa culture une jouissance supérieure, fiable, discutable, et en fin de compte un instrument fort utile ; c´est aussi la capacité à user de ses multiples références pour critiquer, rénover, améliorer…afin de se réaliser le plus adéquatement, d´être le plus créatif ; de rendre justice le plus valablement aux valeurs de justice, d´équité, de tolérance, d´émancipation des attentes individuelles ou sociales : au fait, renier l´absolu pour accepter la transparence d´un réel et d´un imaginaire de la multitude de l´équilibre et de l´harmonie individuelle et sociale. Et ici, si l´auteur Antoine Nguidjol dit que Dieu (l´absolu) est la source de toutes les sciences ; il faut dire qu´il s´agit ici d´un absolutisme béat que l´ère primitive de la pensée rationnelle humaine s´est inventée pour avoir un point de départ qui menait autant au mensonge, à l´escroquerie, à l´illumination mentale, qu´à une douteuse spiritualité. Parce que l´absolu, il est décidément plus facile à imposer, à abuser qu´à éclairer la vérité ou la raison. Et la raison veut qu´à son prolongement infini des valeurs et des choses de la philosophie ou de l´existence humaine, que toute spéculation cesse pour laisser place à la réalisation. Et cette dernière doit être libre, consciente, respectant tout un chacun. Parce que non seulement tout individu, toute culture est une qu´on identité propre ; mais on voit mal au nom d´une quelconque universalité (ou philosophie) quelqu´un aurait le droit de priver un autre de droits ou de jouissances existentielles saines et légitimes.
Critiques de l´ouvrage
Ce qui m´a surpris, c´est que tout au long de cet ouvrage, je n´ai pas rencontré un profond débat de liberté ou de réalisation. Or, il s´agit bien de la liberté et de la réalisation ; autant dans leurs valeurs d´organisation que dans celles de projection de la production existentielle qu´est l´art de vivre. Le mot liberté n´est presque pas évoqué dans cette analyse ; est-ce à dessein ?
Sarkozy (eh oui, toujours lui !) a dit à son investiture qu´il était conscient que nous traversions (toute la race humaine) une profonde crise de valeurs. Et je lui donne complètement raison ; tout cela ne date pas d´hier : à force d´imposer aux êtres humains des horreurs telles l´esclavage, la colonisation criminelle, à piller, à violer, à bombarder des innocents surtout s´ils ne savent pas se défendre…l´occident a établi une échelle de valeurs qui, en lieu d´encenser le bien et le cultiver sans la moindre ambiguïté, engendrait, avec ses abus et ses erreurs légitimées une culture de coexistence humaine qui usait par trop allègrement du violentement, de l´exclusion, de l´abus, pourvu qu´on soit puissant ou de facto de ceux qu´on n´arrive pas à punir. Tout cela s´appela civilisation, culture, démocratie ou tout simplement liberté… ! Et maintenant que le système de domination économique, politique et culturel instauré depuis 600 ans sur le monde par l´occident était arrivé à ses limites et se trouvait remis en cause par la montée de la Chine et de l´Inde au firmament de la concurrence industrielle la plus ardue…on avait difficile à s´appuyer sur des valeurs bancales et injustes. Changer les choses, une question d´éducation ? Ou était-il enfin temps de voir les choses comme il se doit, plutôt que confiner dans des définitions vides et oiseuses.
L´économisme de cette analyse laisse à désirer ; ne pas traiter de l´économie laisse toujours l´impression qu´on est plutôt théorique que réel. Or, l´éducation est une production sociale de la plus haute valeur ; il faut non seulement la concevoir, la discuter, l´asseoir dans la société, suivre et améliorer ses résultats, mais il faut aussi la financer !
J´ai été franchement surpris que l´humanisme allemand (Humboldt) eut été cité en exemple par l´auteur, dont on pressent l´admiration allemande de sa formation française. Notez que je ne discute pas cet humanisme ; mais voyez-vous, une société telle que l´allemande qui a, malgré Humboldt et Nietzsche, massacré, entre 1904 et 1907 en Namibie les herero, les nana et les hottentots, et qui, par deux guerres mondiales suivantes causa la mort de près de 100 millions de vies humaines…cet humanisme mérite-t-il qu´on le vante ? Question d´éducation, peut-être ?
Je sais, mes amis disent que je suis très critique, presque inconsolable. Mais faites comme moi, fermez les yeux et repassez en revue tout ce qui a été fait aux africains, et mettez-vous devant les yeux que pendant que tout l´occident renchérissait le prix de nos textiles, de notre café, de notre sucre et de notre coton par des taxes douanières protectionnistes sur leurs territoires qu´ils gardaient jalousement fermé, ils envahissaient avec l´aide la Banque Mondiale et du FMI qui menaçaient les pays africains récalcitrants de résilier leurs crédits auprès de ces institutions s´ils ne pliaient les genoux et ouvraient grands leurs frontières aux excédents agricoles européens de lait, de sucre, de vieux vêtements, de poissons, de riz, de maïs…et de tomates quatre fois subventionnés par le contribuable européen et se vendant en place africaine à des prix de dumping…De quel humanisme s´agissait-il donc ? Vous avez compris ce que je ressens…après 400 ans d´esclavage, 100 ans de colonisation, de mépris et de destruction culturelle…et depuis 46 ans des méfaits d´une francafrique des plus corrompue et dévoyant…Et pendant que tout cela avait lieu, on détruisait l´écologie de ces pauvres en leur parlant de liberté et de démocratie ; question d´Education ? Oui, je crois qu´il s´agit grandement d´éducation, mais aussi de quelque chose de bien plus grand : le respect de la culture, de la liberté et de la réalisation des autres. Votre analyse m´a plu, mais il faut voir et aller au-delà de l´écrit, et produire une liberté saine et franche, plutôt que d´en subir une version criminelle qui n´avait…aucune éducation ! Savez-vous que cette année les attentats racistes ont augmenté de 9,2% en Allemagne ? L´establishment allemand appelle ces délits des délits à raisons politiques. Depuis quand le racisme est-il une cause politique ? Depuis que les radicaux de droite sont devenus une fraction au parlement européen ? Voyez-vous, cher monsieur Antoine Guidjol ; vous avez bon citer de bons penseurs européens…je vous assure que ces gens se conduisent comme les plus bas des incultes, malgré leurs grands penseurs !
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu