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30 mai 2007

Face au marasme de l´éducation en Afrique

MUSENGESHI KATATA RECOIT MONSIEUR ANTOINE NGUIDJOL

L´éducation : la clé trop souvent négligée de l´avenir

« Il n´est pas exagéré de dire que nous vivons encore dans une situation de terreur intellectuelle où l´interdit du personnel ou du singulier est la chose initiale demandée à tout apprenti philosophe non occidental. La dimension didactique va s´accroissant au fur et à mesure de l´apprentissage, son poids devenant tel qu´il réduit la vocation pédagogique de la philosophie à la portion congrue. »   Dr. Antoine Nguidjol (Le Système éducatif en Afrique noire, pp 77)

Musengeshi Katata: M. Antoine NGUIDJOL, tout d’abord merci d’avoir répondu favorablement à notre demande d’interview.

Antoine Nguidjol : c’est pour moi un grand honneur de répondre à vos questions. J’apprécie beaucoup votre « blog », la pertinence des propos que vous y tenez, votre passion pour l’avenir de l’Afrique et votre rigueur intellectuelle.

MK. : Merci. M. Nguidjol, j’ai présenté un aperçu de votre essai il y a quelque temps. Mais avant d’éclairer nos lecteurs sur son contenu, je vous demanderais de bien vouloir vous présenter brièvement.

AN : C’est une tâche difficile que vous me demandez là ; vous savez, je n’aime pas beaucoup parler de moi. Je préfère que d’autres le fassent à ma place. Je vous rassure toute de suite, cela n’a rien à voir avec de la fausse modestie, c’est un trait de caractère. Au fait, ne croyez-vous pas que les choses les plus brillantes finissent toujours par se faire remarquer ? J’en suis convaincu et ne souhaite donc pas en rajouter...

Mais puisque vous exigez que je me soumette à ce rituel, je dirais juste ceci : je m’appelle Antoine Nguidjol, né au Cameroun il y a quarante huit ans, docteur en philosophie (Paris X), fonctionnaire de catégorie A dans l’éducation nationale française…et, depuis peu, essayiste.

MK : C’est parfait. Venons-en à votre livre, qui est l’objet de cette interview.

AN : avec plaisir !

MK : vous avez récemment publié un essai aux éditions l’harmattan intitulé : le système éducatif en Afrique noire : analyses et perspectives. J’ai beaucoup aimé votre livre pour la richesse de son analyse. Pouvez-vous nous dire les raisons qui ont motivé ce travail sur l’éducation en Afrique noire ?

AN : Ce qui a motivé mon travail, c’est d’abord le fait que la question de l’éducation intéresse tous les pays du monde. Aucun pays sérieux ne peut laisser dériver son système éducatif sans réagir. La question évidemment n’est pas nouvelle bien que chaque époque la problématise à sa manière compte tenu de ses besoins et de ses attentes.

De nos jours, les observateurs avertis (les professionnels de l’éducation en l’occurrence) savent qu’un test international a lieu chaque année qui permet d’obtenir une classification du niveau des établissements du monde entier (collèges, lycées, universités) ; ce qui atteste de la préoccupation des Etats pour leurs systèmes d’enseignement.

En France, des tests nationaux, couplés aux résultats du brevet des collèges et du baccalauréat, permettent d’obtenir une classification nationale des meilleurs collèges ou lycées de France mais aussi des moins bons ; les informations recueillies à cette occasion fournissent de précieux indicateurs pour la détermination des axes fondamentaux de la politique éducative à entreprendre.

On remarquera, en France, que la préoccupation du niveau scolaire est telle qu’elle en devient une question politique posée à tout changement de régime, chaque ministre de l’éducation y allant de sa petite réforme. Aujourd’hui, la politique éducative est à l’acquisition du « socle commun des connaissances ».

Mais déjà une question se pose : qu’est-ce qui au fond justifie cette préoccupation ? Est-ce l’amour de la connaissance, ou autre chose ?

En creusant un peu cette question, on peut se rendre compte que si l’intention affichée par la réforme du système éducatif se veut essentiellement épistémologique ou économique (réformer le système éducatif pour permettre un passage harmonieux entre l’école et le monde du travail), la réalité est tout autre.

En effet, tout système éducatif est une machine politique qui vise essentiellement à produire des conséquences politiques (exemple : l’unité politique par le biais de la culture générale, c’est-à-dire par l’apprentissage de références culturelles ou intellectuelles communes). L’école est un lieu pratique, simple, économique, facilement contrôlable où s’élabore l’unité culturelle et politique.

MK : et la seconde motivation de votre essai ?

AN : la seconde raison, qui concerne plus proprement les africains, c’est le besoin de comprendre. Les africains se posent aujourd’hui la question de leur devenir en tant qu’êtres particuliers jetés dans le monde, pour certains quelque part sur les rivages de la Méditerranée, du Pacifique ou de la Baltique, tandis que d’autres aspirent à y être jetés à leur tour ou meurent de déréliction quelque part en Afrique.

Mais qu’ils soient en Afrique, en Occident ou en Orient, qu’ils soient naturalisés, résidents ou « sans papiers », beaucoup d’africains ont aujourd’hui besoin de comprendre pourquoi leurs aïeux ont été vaincus. Pourquoi leur histoire collective a pris cette trajectoire particulièrement douloureuse. Ils se demandent s’il y a une possibilité pour que cette défaite d’hier (qui se prolonge) ne soit que provisoire ?

Pour changer le cours de leur histoire, il leur a été demandé ces dernières décennies de se rendre massivement à l’école occidentale. Beaucoup y sont allés. Ils sont aujourd’hui sans travail et sans perspective d’avenir…

MK : l’école mérite donc une sérieuse évaluation.

AN : Exactement. Précisons deux choses : premièrement, l’évaluation n’est pas le rejet. Deuxièmement, l’évaluation n’est pas une simple opération technique. Elle est fondamentalement conceptuelle. A défaut de le comprendre, on prend le risque de « tropicaliser » un système éducatif étranger en pensant en avoir inventé un. Les conséquences pour l’avenir sont très sévères.

MK : quel rôle a joué le roman du sénégalais Hamidou Kane dans votre réflexion ?

AN : L’aventure ambiguë est un roman que nombre d’africains scolarisés ont lu. L’étude de ce roman n’est donc pas une nouveauté puisqu’elle figure au programme de la littérature africaine.

Seulement voilà : je considère que l’étude purement littéraire de ce roman n’en saisit que l’écume (pardon pour les professeurs de littérature africaine !). Car le roman d’Hamidou Kane traite de l’angoisse, du sentiment de déréliction de l’africain face à un événement aussi terrifiant qu’incompréhensible : l’occupation occidentale de l’Afrique par les armes. Elle traite de cette soudaine rupture de la temporalité qui fait qu’il y a désormais un avant et un après ; et entre le deux une béance, un trou noir, rien.

L’œuvre d’Hamidou Kane a constitué pour moi un bel angle d’attaque parce qu’elle traite du problème de l’éducation. Cette œuvre, écrite en 1961 au moment où les pays africains accèdent à l’indépendance, est pleine de prémonitions. Elle nous montre à quel point le parcours éducatif occidental est piégeux et ravageur pour les Africains s’ils ne le réévaluent sérieusement.

Permettez-moi de vous lire un passage suggestif de cette œuvre que je trouve aussi importante que les Lettres philosophiques de Voltaire ou les Essais de Montaigne et que l’on devrait mettre au programme des études philosophiques en Afrique noire.

« il arrive, confie Samba Diallo, que nous soyons capturés au bout de notre itinéraire, vaincus par notre aventure même. Il nous apparaît que tout au long de notre cheminement, nous n’avons cessé de nous métamorphoser, et que nous voilà devenus autres. Quelquefois, la métamorphose ne s’achève pas ; elle nous plonge dans l’hybride et nous y laisse. Alors, nous nous cachons, remplis de honte. »

L’africain honteux de lui-même, c’est peut-être l’image stéréotypée à laquelle nous avons affaire encore aujourd’hui.

Tout est parti du savoir, comme l’indique Hamidou Kane. L’africain peut-il se lancer dans la quête du savoir occidental sans se perdre, sans s’oublier ? Cette question, je la récupère dans mon essai pour la généraliser de la manière suivante : peut-on concevoir une démarche pédagogique innocente ? Toute démarche pédagogique n’est-elle pas soumise a priori à un projet politique ?

MK : voulez-vous dire que la finalité du système éducatif n’est pas la formation des esprits et la liberté ?

AN : Il ne faut pas se leurrer. De même que la soumission ne peut engendrer la liberté, l’école coloniale n’est pas faite pour aider les colonisés à penser pour soi. L’école africaine n’est donc pas un endroit où l’africain pense pour soi, mais un lieu où l’on impose sur son esprit par l’incitation à l’automutilation intellectuelle ; un lieu où la culture se dilue dans l’obéissance à l’autorité.

L’affirmer, ce n’est pas dire que l’instruction organisée par l’Etat colonial est forcément un endoctrinement ou un conditionnement par des méthodes explicites de propagande, mais que derrière le savoir qu’on « offre » il y a autre chose, que le pan de l’éducation l’emporte sur celui de l’instruction ; que cette éducation est la finalité absolue qui annihile tout le reste ; autrement, que l’instruction n’est que le début d’une opération qui se termine dans l’assimilation de l’apprenant. Pour parler plus concrètement, l’instruction offerte par l’Etat colonial aux africains vise à instaurer une socialisation des individus conforme à l’appareil d’Etat colonial, c’est-à-dire une disposition à se laisser instruire. Il est facile d’imaginer qu’en se laissant instruire, on se laisse aussi aisément conduire. C’est pour cette raison que le savoir institutionnel abolit le savoir et qu’il fabrique de la soumission. C’est aussi pour cette raison qu’il est essentiellement politique. Parce qu’il n’y a pas d’école sans projet éducatif ; et que tout projet éducatif est essentiellement politique.

MK : cela fait penser à Durkheim…

AN : Oui, Durkheim confirme mon analyse par les exemples suivants : sous le règne de Charlemagne, dit-il, l’école carolingienne se donnait pour mission de créer une élite chrétienne ; pendant la Réforme protestante, les collèges jésuites avaient pour mission de former une élite capable se s’opposer à la propagation des idées luthériennes ; plus près de nous, l’école de la république, (celle dont l’Afrique a hérité), se donnait pour mission de créer un nouveau type de citoyen adapté à la troisième république.

En la transposant en Afrique noire, cette école fabrique non seulement une prédisposition générale à se laisser aisément diriger, mais aussi des élites adaptées à un Etat essentiellement prédateur.

Le savoir scolaire n’est donc pas un but en soi mais un moyen ; le but étant le résultat du projet politique qui sous-tend les savoirs enseignés.

MK : vous parlez de l’insertion de l’école africaine dans l’industrie culturelle occidentale

AN : oui, j’affirme que la culture occidentale est une marchandise, et même une marchandise d’occasion dans laquelle l’Afrique semble s’être spécialisée ; que la marchandise est la catégorie générale de tout ce qui a vocation à s’abolir dans la pure consommation ; « offerte » pour être consommée comme telle, sans que le consommateur ait connaissance de ce qu’il consomme. Sans même qu’il s’en préoccupe.

La consommation fonctionne sur l’a priori de la foi, c’est-à-dire de la confiance absolue dans la bienveillance du producteur ; sur le caractère inimaginable d’un empoisonnement ou d’une destruction massive des consommateurs.

Je vais encore plus loin ; reprenant l’analyse de Jean Baudrillard sur la société de consommation, j’affirme que l’Afrique est l’une des grandes victimes de l’illusion de la donation, de l’idée saugrenue que d’autres pourvoient et pourvoiront toujours à ses besoins ; que le commerce entre les nations relève du miracle et n’exige qu’une simple activité magique de captation.

MK : dans votre essai vous déplorez ce que vous appelez le « triomphe » de l’écriture sur la parole ; sur la parole africaine si je puis dire.

AN : je déplore surtout le déplacement du savoir de la parole à l’écriture. Je montre qu’un tel déplacement n’est pas un simple déplacement d’un lieu épistémologique à un autre. Je veux dire qu’un tel déplacement a des conséquences existentielles et morales.

Car la parole fonde l’autorité morale ; elle confère de l’autorité à celui qui l’énonce ou à celui qui en est le gardien. La parole n’est pas simplement une énonciation : elle est aussi ce qui engage. Donner sa parole, c’est engager son être tout entier, c’est tenir parole, c’est-à-dire agir en conformité avec elle. La parole fait retour sur soi, elle est le symbole et le gardien de l’immanence.

L’écriture est tout autre. Elle fonde une tout autre autorité : l’autorité intellectuelle, l’expertise de celui qui sait déchiffrer les signes. L’écriture entraîne ailleurs, loin de l’individu, loin de son existence propre, vers d’autres univers ; elle est une aliénation dans ce sens qu’on n’y entre qu’en se mettant dans la peau d’un autre, de l’auteur, du personnage, en s’oubliant pour se diluer dans l’universel. L’écriture est donc, contrairement à la parole, le symbole et le gardien de la transcendance.

MK : faut-il donc arrêter de lire ?

AN : absolument pas. Mais il faut se garder de lire innocemment. Toute lecture véritable est un acte politique.

MK : vous critiquez assez sévèrement les intellectuels africains. Est-ce parce que ce sont des scribes ?

AN : oui, il y a un rapport étroit entre l’écriture et le pouvoir. L’écriture est déjà fondamentalement pouvoir, parce que le symbole est un pouvoir en soi qui n’appartient qu’à une minorité. Mais ce que je déplore et critique essentiellement, c’est le rapport entre le militantisme politique et l’enseignement supérieur en Afrique noire. Ce rapport passe nécessairement par l’écriture dont le diplôme est la matérialisation. Les universitaires sont pour la plupart des gens qui professent un enseignement, donc qui écrivent. Analysant cette écriture, on peut en conclure qu’il s’agit d’une écriture d’un type particulier située à mi-chemin entre l’écrivain et le militant ; qui tire du militant « l’image idéale de l’homme engagé », et de l’écrivain l’idée qu’écrire est un acte en soi. Ce scripteur d’un type nouveau milite en écrivant, voire en professant, en enseignant – l’écriture devient ainsi le symbole professionnel de l’adhésion, voire l’acte par lequel le livre (ou l’enseignement) devient la métaphore de la pancarte et la salle de cours celle de la tribune politique.

En sublimant une formule de Barthes, nous dirions que l’intellectuel africain n’est encore, dans la plupart des cas qu’un écrivain mal transformé ou, ce qui est la même chose, un militant fasciné par l’écriture et qui croit pouvoir y trouver une forme raccourcie de militantisme (moins gourmande en temps et en énergie). C’est une écriture institutionnelle qui a la même allure que le pagne à l’effigie du président, qui signale sa présence et pose « son problème » (comme on dit au Cameroun). Bref, c’est une autre forme de « motion de soutien ». Il n’est donc pas étonnant que le pouvoir politique le recrute aussi facilement.

Mais mon analyse va plus loin.

MK : en effet vous parlez de mensonge..

AN : J’attribue le « mensonge » non pas à des individus, mais au système éducatif actuellement en place en Afrique noire. Par mensonge, je n’entends pas le contraire de la vérité au sens moral du terme (bien que ce sens soit implicite). Le mensonge ne qualifie pas seulement une énonciation qui cherche volontairement à tromper. J’entends le mensonge comme la conséquence d’une organisation institutionnelle du savoir qui vise à obtenir une conduite décalée chez l’apprenant, c’est-à-dire un comportement à l’envers de son inclination naturelle ; un mouvement qui pousse l’individu à tourner le dos à ce qui devrait le préoccuper le plus immédiatement, aux objets, aux émotions, aux événements de son univers immédiat.

Il n’y a pas de doute que la scolarité africaine est orientée vers l’imaginaire (non vers les objets alentour), c’est-à-dire, en généralisant, vers le dépassement des limites de la connaissance comme le dirait Kant. Pour le dire autrement, la scolarité africaine est orientée vers les horizons illimités d’un savoir affranchi de l’expérience humaine la plus immédiate. Elle fait de l’Africain un métaphysicien attiré par l’appel du vide. Le système éducatif vise à le couper de ses attaches culturelles, de tout ce qui évoque son enracinement.

J’ai essayé de remonter à la source de cette attitude d’introversion chez l’Africain en étudiant la grammaire française.

La grammaire apprend à l’enfant à dire « je » ; elle lui apprend que le sujet à la première personne est le terme le plus important de la phrase, que tout ce qui l’entoure n’est qu’un agrégat de termes dont la seule fonction est de participer à sa consécration. Apprendre cela à l’enfant, c’est lui donner l’assurance d’une nouvelle naissance par l’écriture, c’est lui dire que la sagesse et le savoir sont ailleurs, dans les livres. C’est condamner d’office la parole du père, de la mère et tout le capital culturel local comme une illusion indigne d’être reçue. C’est signifier que les joies, les peines, les désirs, les espérances, les événements particuliers ne peuvent constituer pour lui une porte d’entrée dans la rationalité ; car, « le « je », c’est l’originaire qui postule qu’il n’y a rien avant et en dehors du sujet. Que l’existence même du monde n’est que le prolongement du sujet. 

MK : une dernière question Monsieur Nguidjol. J’ai été frappé par votre sévérité à l’égard de l’université africaine

AN : je constate que cela ne vous a pas échappé. En effet j’ai parlé de l’université africaine comme d’un « supermarché du savoir minimum ». Une telle expression paraît a priori très sévère. Je me doute que certains étudiants ou enseignants ne s’y reconnaissent pas. Et croyez-moi, j’ai fait mes débuts à l’université de Yaoundé avant de venir en France. Je suis quelque part le produit d’une génération d’enseignants qui malheureusement ont quitté l’enseignement supérieur par dépit.

Ce qui se passe dans les universités africaines est grave. Et parce que ça l’est, il ne sert à rien de se cacher derrière son petit doigt. Tout le monde sait que les diplômes de beaucoup sinon de la plupart des pays africains ne valent plus rien ; que la maîtrise de la langue « officielle » même de nos étudiants est mise en doute à l’étranger. Ce n’était pourtant pas le cas hier.

Les étudiants de ma génération ont porté très haut le flambeau de nos pays devant les enseignants et les étudiants européens médusés qui ne croyaient pas qu’en Afrique on enseignait la philosophie et le français. Tout cela a cessé d’être, hélas !

Les étudiants africains de façon générale ont cessé d’étudier parce que les professeurs aussi ont cessé de professer. L’université africaine est devenue une sorte de « resto du cœur » où l’on va chercher au plus bas prix de quoi égayer son existence fragilisée.

Mon souhait est que l’enseignement supérieur reprenne sa place, que les Etats africains comprennent le rôle qu’il joue dans une nation. Dans cette veine, il me semble que quand l’enseignement supérieur d’un pays va bien ou mieux, le reste de la nation s’en porte bien ou mieux. Mon livre essaie d’apporter quelques réponses à ce sujet.

MK : merci monsieur Nguidjol d’avoir fait le tour de votre brillant essai avec nous ; il ne me reste plus qu’à vous remercier et à le recommander à nos lecteurs.

AN : C’est moi qui vous remercie.

(Interview réalisée le 28 mai 2007)

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Commentaires
M
je vous félicite pour ce que vous faites
S
j'aime travailler dans car je suis en classe de sixieme
S
j'aime travailler dans car je suis en classe de sixieme
M
On en dira encore, sur ce sujet autant vaste qu´important ; toujours est-il que l´éducation est à la fois un miroir culturel, un instrument social, un lieu d´échange, de discussion, de contrôle de valeurs et de leurs finalités sociales, individuelles, collectives. Et ses résultats servent autant à former qu´à s´interroger sur la portée réelle et le contenu de ses intentions. Personne de bon sens ne s´hasarderait à discuter de son opportunité qui fut évidente même dans la société traditionnelle, et cependant, puisqu´elle est la projection sociale de valeurs culturelles réelles et imaginaires dans une saisie immédiate, lorsqu´une société trépigne (n´est pas à la hauteur de résoudre ses propres contradictions) ou n´arrive pas à réaliser ses devoirs existentiels envers elle-même ; il y a lieu de se demander pourquoi et comment on peut changer les choses en insufflant à la société, à la culture une meilleure plate-forme de valeurs ouvrant sur de meilleurs résultats.<br /> <br /> Les sociétés africaines sont frappées par un vide éducatif évident ; cela tient de plusieurs facteurs affiliés à leur histoire passée, mais, disons-le sincèrement aussi, à leur défaut de ne pas orienter adéquatement (présentement mais aussi par le passé) leurs systèmes éducatifs vers des idéaux actualisés et motivés ayant pour devoir de les réaliser eux-mêmes d´abord, avant de croire ou de s´adonner à qui que ce soit. 46 ans après la colonisation, et malgré tous les efforts (que nous ne nions pas), les résultats sont bien maigres, si pas érodant parce qu´insuffisant, aliénés ou inappropriés. C´est donc aussi une question de motivation face à l´avenir propre de ce continent et de sa culture, celle de sa propre réalisation tout court. Et même si cela parait à prime abord comparatif (on ne peut, en vérité, comparer les cultures), force nous est cependant de constater que l´influence occidentale actuelle sur l´Afrique a bien, malgré qu´elle prétende le contraire, des intentions, des effets étouffant et dévoyant sur l´entretien et l´épanouissement de sociétés, de cultures se réalisant d´elles-mêmes pour elles-mêmes. Il ne viendrait pas aux congolais le désir d´influer sur les élections ou l´avenir de la Belgique, par exemple ; mais alors, pourquoi Louis Michel et ses amis belges s´évertuent-ils à influer sur celles du Congo-kinshasa ? <br /> <br /> Un problème de saisie et d´appréhension de la liberté et de la libre réalisation ? Cela semble bien le cas et touche autant les victimes que les oppresseurs. Parce que du côté du manquement comme celui de l´abus, et si on se demande bien à quoi sert l´existence, la réponse ne serait pas : pour réaliser le voisin, l´autre ou être son objet, la chosification instrumentalisée de sa projection. Et personne n´a existentiellement le droit d´exiger des autres qu´ils soient leurs esclaves, qu´ils parlent une langue étrangère, qu´ils adoptent des valeurs qui n´étaient pas les leurs, pire : des valeurs qui reniaient dans leur entité et leur logique intrinsèque la liberté et la souveraineté de celui à qui on les imposait. Cela s´appelle, n´en déplaise aux anciens esclavagistes et colonisateurs, tout simplement Liberté ! Or, et ce n´est pas seulement d´aujourd´hui, on constate que la culture occidentale, pour satisfaire à son devenir ou à ses intérêts, aime à faire payer aux autres du prix de ses intentions, celui de ses facilités existentielles, de sa suprématie, de ses excédents . Ou alors, comment peut-on qualifier les 400 ans d´esclavage qui ont été imposé á l´Afrique, sinon qu´il s´agissait pour toutes les nations qui ont pratiqué cette monstruosité, d´accumuler à vil prix et par le commerce triangulaire de parvenir à développer le bien être et la productivité de leurs sociétés ? Toutes ces horreurs répétées et préméditées ne se firent pas amour de la liberté et de l´intégrité morale et physique des africains. Aujourd´hui aliénation était encore plus subtile : on empêchait l´Afrique de produire et d´accumuler pour détruire la créativité et l´organisation de ce continent tout en imposant la consommation d´excédents occidentaux qui avaient pour conséquences la destruction de structures africaines de production. Or produire, c´est se réaliser…<br /> <br /> Aussi, et vu l´insolence, oui, le toupet injurieux envers toute définition réelle et véritable de la liberté avec laquelle l´occident maintient et défend un systématisme contraignant envers les africains, outre qu´un rejet catégorique des africains est logique et même légitime, on doit bien se demander : mais ces gens, dans leurs valeurs et leurs symboles culturels, tendent-ils á se réaliser ou à réaliser tout autre qu´eux-mêmes ? De quel droit ont-ils donc à exiger des africains – et cela depuis 600 ans – qu´ils se plient à l´aliénation ou se complaisent à mépriser leur propre culture pour devenir des fantômes d´un sens de l´histoire, d´une existence qui n´était ni la leur, ni ne réalisait les rêves, les ambitions et les attentes de leurs propres enfants ?<br /> L´occident qui exigeait cette fausse projection existentielle envers l´Afrique était-elle assez franche que pour s´imposer à elle-même ce cartésianisme décadent ? Non, n´est-ce pas ; mais alors… !<br /> <br /> Beaucoup d´africains confondent connaissances avec rationalité. La connaissance, pour subsister aux temps et servir réellement d´instrument existentiel adéquat à la réalisation individuelle ou collective, se doit d´être continuellement éprouvée et contrôlée. Elle évolue, se précise avec le savoir ; elle n´est pas absolue, et souvent, comme le temps, elle est relative et dépendante de son utilité. La rationalité, par contre n´est qu´un moyen imaginaire de mise en œuvre d´intentions, de valeurs, de moyens et de besoins existentiels. Celui qui confond ces deux concepts – et même si l´un emploie l´autre ou s´en enrichit – n´avoue que trop ouvertement les faiblesses…de son jugement intellectuel. Un forgeron sait distinguer entre l´enclume et le marteau, malgré qu´il use des deux pour travailler son fer. Celui qui, pour une raison ou pour une autre fuit sa fonction de forgeron pour être l´enclume, ou le marteau en croyant se réaliser dans la facilité, la dépendance, la fonctionnalité ; celui-là renie la définition la plus profonde de l´existence et de la finalité humaine. <br /> <br /> Comme je l´avais déjà dit, donc, rien n´épargnera l´Afrique d´une démarche critique envers l´occident, autant qu´elle devra repousser toutes velléités étrangères l´interdisant d´accéder et d´épanouir sa liberté et sa libre réalisation. Et l´éducation en Afrique, dans toutes ses formes et ses variables, doit s´imprégner de cette évidence culturelle impérative. Ce n´est qu´alors, à mon avis, que l´occident sera prête à respecter ce continent et à faire cas de son intégrité et de sa liberté. Car il ne lui restera qu´à accepter et concéder un partenariat équitable et équidistant aux africains ; ce qu´il ne lui reconnaît que partiellement, si pas formellement aujourd´hui. Et ce sera un grand jour pour la liberté, parce qu´elle sera enfin devenue effective, au lieu d´être truquée et tronquée des siècles durant. Celui qui s´en réclamerait ne pourrait ni la refuser aux autres, ni se cacher sous des ambiguïtés pour y perpétuer son vice et sa vilénie. Et cela, c´est n´est pas seulement une question d´éducation, mais c´est aussi une question de philosophie et de maturité existentielle, bien entendu. <br /> <br /> Maintenant tous ceux qui croyaient encore dans leur naïveté que l´aide ou les investissements occidentaux développeraient l´Afrique pendant que celle-ci ne ferait pas l´effort de se débarrasser de ses manquements, de ses erreurs, de ses fausses traditions, de l´analphabétisme qui piégeait ses nombreux arrières pays…ceux-là se trompaient lourdement. Le devoir éducatif rationalisant à domicile en Afrique subsaharienne se doit, n´en déplaise aux attentistes, aux opportunistes incapables, être fait. Sinon, toutes ces aides étrangères, pour peu qu´elles soient sincères, vont toutes être englouties et perdues sans ni arriver à produire des effets positifs, ni remplir valablement leurs buts économiques. Les africains doivent aussi y mettre des leurs. Et cela aussi, c´est aussi un problème d´éducation par la conviction réelle par laquelle ces africains découvraient qu´ils travaillaient réellement, effectivement pour leur propre avenir et celui des leurs, contrairement au passé. <br /> Musengeshi Katata. Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu.
S
Je n´aime pas l´emploi méprisant et plutôt faux que vrai du terme « perdants » pour les africains ou quelque culture que ce soit. Ce terme, outre qu´il est injurieux, suggère aux africains qu´ils étaient les victimes d´une quelconque sociologie du jeu. Or, ce n´est pas du tout le cas. Prendre des êtres humains en esclavage, leur imposer par la violence, le pillage et l´obscurantisme culturel ses normes et ses valeurs, cela ne relève en rien d´un jeu ; c´est plutôt du crime et de l´humanisme le plus bas. On se demande en effet quelle est la notion de liberté humaine qu´entretient celui qui extermina les indiens d´Amérique, vendit aux chinois l´opium comme « médicament occidental » ? Perdants ? Mais dites donc, pourquoi ces perdants devaient-ils parler la langue des gagnants, consommer leurs us, leurs usages et engouffrer à leur corps défendant les excédents du maître ? Pourquoi ces mêmes gagnants n´arrivaient, dans leur suffisance, à se suffire à eux-mêmes ? Cartésianisme à la renverse que tout cela. Cet occident qui vola terres et liberté aux autres, assassinat les élites africaines ; elle consomme les matières premières et les richesses du tiers monde abusivement tout en polluant l´atmosphère et en appauvrissant illégitimement des cultures, des sociétés qui avaient les mêmes droits qu´elle ! Question d´éducation !?! Les africains ne devraient pas se laisser manipuler par une culture cannibale des droits humains prétendant faire acte de civilisation et de culture ! Nous devons retrouver, chercher à établir de meilleurs idéaux de liberté, de culture et d´éducation que celles que de tels voyous invétérés de la liberté et des droits humains nous ont toujours fallacieusement suggérés. Et il serait grand temps de dévoiler les mensonges et les sournoiseries de la fameuse éducation des gagnants qui ne savaient ni rester chez eux, ni se suffire à eux-mêmes, et encore moins produire et consommer leurs propres valeurs mercantiles. Traiter les autres de perdants quand on affamait des femmes et des enfants sciemment avec des méthodes honteuses, qu´on n´a jamais été ni juste, ni tolérant à leur endroit ; c´est de la pure primitivité. Chez les gens civilisés respectueux de la morale et de l´éthique humaine, cela s´appelle tout simplement de la barbarie ! Quand on les entend alors aujourd´hui parler de philosophie humaine, de liberté, de démocratie, d´Etats de droit…Autant dire : quand l´escroc et le criminel historique cherchent à justifier leurs méfaits en s´instituant en juge, norme et partie. Pénible…et incorrigiblement canaille. Une éducation qui aurait le fondement d´entériner de tels abus est de la plus immorale. J´ai dit ! Shaka Bantou.
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